Normance (Féerie II)
Second roman de Céline publié en 1954 par les éditions Gallimard, Normance est présenté comme la suite de Féerie pour une autre fois. C'est d'ailleurs l'insuccès de Féerie qui contraignit Céline à titrer ainsi cette suite, du nom de l'un des personnages. Ce roman marque plus profondément encore la distance existante entre l'écrivain et son public. Le tirage de l'édition originale ne dépasse pas 10.000 exemplaires. Malgré les protestations de Céline auprès de Gallimard (ce roman est d'ailleurs dédié à Pline l'Ancien et à... Gaston Gallimard) qu'il accuse de ne pas faire correctement son travail (cf. Céline et la NRF), l'écrivain comprend que sa notoriété est plus que jamais entachée par sa réputation.
Sans crainte de se
tromper, on peut affirmer que Normance est le roman de Céline le plus difficile
à lire. Il parvient à tenir le pari que Flaubert s'était fixé en d'autres temps,
consistant à n'écrire un roman sur pratiquement rien, un roman qui
ne tiendrait que grâce à son style. L'action y est quasiment nulle, et résumer un tel
ouvrage relève de la gageure.
Céline revendique clairement son rôle de chroniqueur et non plus
de romancier. Il expose ce qu'il a vu en 1944, lors d'un bombardement à Montmartre, là
où se situait son appartement. Tout est prétexte à exagération, et cela se justifie
par la faute de la guerre, seule responsable de cette exagération. Les personnages de ce
roman sont les amis montmartrois de Céline, au premier rang desquels se trouve Jules,
peintre cul-de-jatte et alcoolique, inspiré par Gen
Paul. Tous les locataires de l'immeuble de la rue Girardon participent à cette mini
apocalypse, et le bombardement n'épargne rien ni personne, pas même le chat Bébert qui
tient dans ce récit un rôle de premier plan.
Les hallucinations céliniennes sont ici portées à leur comble.
Paris devient une ville à feu et à sang, la butte Montmartre s'effondre par la faute des
bombardements. Pourtant, l'écrivain, voyeur et chroniqueur, prend tous les risques et
observe depuis sa fenêtre cette inévitable fin du monde... :
" Raconter tout ça après... c'est vite dit !... c'est vite dit !... On a tout
de même l'écho encore... brroumn !... la tronche vous oscille... même sept ans
passés... le trognon !... le temps n'est rien, mais les souvenirs !... et les
déflagrations du monde !... les personnes qu'on a perdues... les chagrins... les potes
disséminés... gentils... méchants... oublieux... les ailes des moulins... et l'écho
encore qui vous secoue... Je serais projeté dans la tombe avec !... "