Mea Culpa

Mea Culpa, Ed. Denoël & Steele, 1936.

 

Mea Culpa constitue une exception parmi les quatre pamphlets publiés par Céline. Ce texte est court (une trentaine de pages dans son édition originale), et est le seul à avoir été republié (Cahiers Céline 7 : Céline et l’actualité, 1933-1961. Ed. Gallimard, 1986). Ce texte ne traite que d'un seul sujet, le communisme, et ne contient aucune trace d'antisémitisme.
Publié en 1936, suivi de La vie et l'œuvre de P. I. Semmelweis, ce réquisitoire fait suite à un voyage effectué par Céline en Russie. 1936 est également l'année de la parution de Mort à crédit, deuxième roman de Céline, qui vient d'essuyer un échec relatif en comparaison de Voyage au bout de la nuit. Cela peut-il expliquer les considérations de Céline sur le genre humain contenues dans Mea Culpa ? :

" La grande prétention au bonheur, voilà 1'énorme imposture ! C'est elle qui complique toute la vie ! Qui rend les gens si venimeux, crapules, imbuvables. Y a pas de bonheur dans l'existence, y a que des malheurs plus ou moins grands, plus ou moins tardifs, éclatants, secrets, différés, sournois... "C'est avec des gens heureux qu'on fait les meilleurs damnés." Le principe du diable tient bon. "

Mea Culpa s'inscrit en tout cas dans le prolongement thématique des deux premiers romans de l'écrivain. La description des usines Ford dans Voyage ou les expériences professionnelles de Ferdinand dans Mort relèvent du même type de discours. Céline apparaît dès lors comme un homme esseulé dans le milieu des intellectuels français, à une époque où les écrits sur le système communiste sont à la mode (Voir par exemple André Gide et son Retour d'URSS). Le romancier que la gauche avait voulu récupérer en 1932, puis qui avait entraîné bon nombre de polémiques en 1936, semble de moins en moins facile à classer...
Le discours développé par Céline dans Mea Culpa vise à déstructurer le système communiste qui, selon l'écrivain, accentue les inégalités plutôt qu'il ne les supprime. Le système politique russe, en tentant de persuader le peuple que les injustices ont disparu, en promettant la répartition systématique des richesses, n'ose pas avouer, comme cela est le cas pour les systèmes capitalistes, la réalité de l'ordre social et l'inévitable maintien de catégories privilégiées :

" Mineur ! la mine est à toi ! Descends ! Tu ne feras plus jamais grève ! Tu ne te plaindras plus jamais! Si tu gagnes que 15 francs par jour ce seront tes 15 francs à toi ! "

Dès lors, les inégalités existent et perdurent, doublées d'un mensonge fait au peuple, opprimé et silencieux. L'enrichissement des puissants est inévitable et la population en subit les conséquences, puisque l'on tente de la persuader du contraire :

" On le fait crever [le peuple] par la misère, par son amour-propre aussi ! Vanité d'abord ! La prétention tue comme le reste ! Mieux que le reste ! "

Céline s'incrit délibérément en-dehors des discours intellectuels de l'époque, s'affiche pour la première fois comme un écrivain prenant la plume pour le développement exclusif d'un sujet politique. Il poursuivra par la suite l'écriture pamphlétaire, avec les conséquences que l'on sait...

 

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