Hommage à Éliane Bonabel :

In Memoriam (M. Laudelout)

Entretien avec V. Duponchelle (07/1998)

Illustrations pour Voyage au bout de la nuit

 

"J'ai beaucoup voyagé, fréquenté de nombreux milieux, rencontré énormément de monde, Céline est pourtant, sans aucune discussion possible, l'être le plus étonnant, le plus singulier, le plus attachant que j'ai eu la chance de croiser dans ma vie. Je n'ai connu personne ayant une vision aussi juste, une analyse aussi rapide du monde qui l'entourait."

Éliane Bonabel, préface à
Illustrations pour Voyage au bout de la nuit,
Éditions de la Pince à linge, 1998.

Eliane Bonabel dessinée par LF Céline

 

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In memoriam Éliane Bonabel
(Marc Laudelout)

 

Cruelle année 2000 ! La dernière année du deuxième millénaire aura vu disparaître plusieurs amis chers... Alphonse Boudard, Louis Nucéra, Alphonse Juilland, Jean Bonvilliers et, le 6 décembre, c'est Éliane Bonabel qui nous a quittés.

Durant toute sa vie, elle fut fidèle au souvenir de Céline, ou plutôt du docteur Louis Destouches, qu'elle avait connu, enfant, au dispensaire de Clichy. Elle avait gardé un vif souvenir du médecin. "C'était un très bel homme qui avait énormément d'allure. Je n'étais pas la seule à penser ça. Son arrivée dans le dispensaire où il exerçait provoquait une espèce de remous parce qu'il avait vraiment une présence extraordinaire. Il s'est décrit comme un homme laid ; c'est absolument faux. Il avait aussi une "présence" comme on le dit à propos d'un acteur, et cela, sans aucune affectation d'ailleurs. Pas d’élégance vestimentaire, ni d’élégance de parole, ni même le désir de faire du charme."

Avant qu'Émile Brami n'ait eu la bonne idée d'éditer les illustrations de Voyage qu'elle avait réalisées à l'âge de douze ans, Éliane Bonabel était surtout connue des céliniens pour avoir illustré les Ballets, réédités en 1959 par Gallimard. Céline était, comme on sait, très fier de ses ballets, et il avait souhaité les voir rassemblés en un volume, illustrés par la fille adoptive de son vieil ami Charles Bonabel qu'il avait connu à Clichy.

Peu de céliniens savaient, avant la parution des Lettres de prison qu'elle fut la première à lui rendre visite, en 1946, dans sa prison danoise : " J’ai eu un choc. En trois ans d’absence, c’était devenu un vieillard. Il avait perdu plusieurs dents. La pellagre, le chagrin atroce d’être emprisonné comme une bête prise au piège, ses blessures de guerre aussi. Toute la paranoïa du prisonnier. Il ne s’est jamais rétabli. Il avait définitivement un autre âge. "

De son côté, Céline écrivait alors à Lucette : "La venue d’Éliane tient vraiment du miracle ! Tout ce passé qui reflue en plein cyclone. Je me revois jeune médecin à Clichy, elle avait cinq ans ! Et puis elle nous retrouve ici dans quelles conditions !" Il y a quelques années, Éliane Bonabel avait accepté d'évoquer quelques-uns de ses souvenirs à la Journée Céline. Ce fut un grand moment d'émotion. Ceux qui eurent la chance de l’écouter et de la voir furent, je le sais, sensibles à sa simplicité souriante et à la manière, sensible et juste, qu’ elle eut pour évoquer le docteur Louis Destouches, assurément l’une des rencontres essentielles de sa vie.

Éliane Bonabel a été inhumée le 13 décembre au cimetière du Père-Lachaise.

 

M. L.