Pierre Monnier et Céline
face aux " têtes molles "
Étant léditeur du livre de Pierre Monnier, il nous est difficile de le présenter nous-même dans ce Bulletin. Cest la raison pour laquelle, nous reproduisons ici larticle de François Berger.
Pierre Monnier poursuit depuis la Libération un
combat pour que lécrivain Louis-Ferdinand Céline trouve sa vraie place dans les
lettres françaises. Ce combat, on aurait pu penser quil était définitivement
gagné.
Céline est chez Gallimard. Il est dans la Pléiade. Et cest
probablement aujourdhui lauteur sur lequel il paraît chaque année le plus
détudes. Les céliniens sont comblés.
Pourtant ces toutes dernières années, une nouvelle offensive est
menée contre Céline. Cest que lantisémitisme de Bagatelles pour un
massacre et de LÉcole des cadavres, au fil des années, semble de plus
en plus insupportable et devient à présent, à en croire quelques gloseurs en vogue, un
élément qui disqualifie Céline, qui devrait suffire à le chasser à jamais de la
communauté des écrivains.
Il y avait eu Céline grand écrivain, dont les pamphlets étaient la
partie honteuse à cacher. Ces dernières années, nous avions droit à Céline, grand
écrivain mais affreux bonhomme. Maintenant on nous explique (Jean-Pierre Martin et Michel
Bounan, après Kaminski) que lantisémitisme de Céline disqualifie tout :
lhomme, luvre, la " petite musique ". Et sans doute
jusquau chat Bébert !!
Cette nouvelle diabolisation de Céline est bien dans lair du
temps.
Cest pourquoi Pierre Monnier, un demi-siècle après son
expédition au Danemark et ses éditions de livres de Céline quand personne ne
voulait le rééditer chez Frédéric Chambriand, reprend la plume pour défendre
Céline.
Cela nous donne un agréable petit texte pro-célinien, Céline et
les têtes molles, publié par le Bulletin célinien, 88 pages dun style
vigoureux, féroce, avec quelques anecdotes céliniennes que lon retrouve
dailleurs, éparses, dans ses livres de souvenirs.
Les anti-céliniens
Le plus misérable angle dattaque des
anti-céliniens, cest lorsquils cherchent à mettre en cause sa " petite
musique ", prétextant que, pour Céline, cette " petite musique " de
lécriture naurait été à les lire quun moyen pour faire
passer ses messages de haine, etc. Air connu !
Monnier nuance tout cela, corrige, démontre, explique.
Ce qui est terrible, cependant, cest dêtre encore obligé
de batailler sur ces terrains-là. Alors quà laube du XXIème siècle, le
débat devrait dabord et avant tout porter sur lécriture si particulière de
Céline. Peut-on imaginer une mise en cause de la poésie de François Villon, en raison
de ses actes, de ses murs, de sa vie, du contexte historique, que sais-je encore ?
Il est symptomatique quau-delà dune place que lon
croyait définitivement acquise dans la littérature, Céline soit encore attaqué, en
tant quécrivain, non pour son écriture, mais pour tout un ensemble
déléments extérieurs à cette écriture, jugés politiquement incorrects,
suffisants, à en croire ces pions de la littérature conformiste, pour disqualifier
Ferdinand, lexpulser des manuels de littérature.
Doù la colère de Pierre Monnier. Sa rage devant la bêtise à
front de taureau.
François BERGER, Présent, 31 octobre 1998
Céline et les têtes molles, par Pierre Monnier. Le Bulletin célinien, 1998. Prix : 89 FF, franco.