Une lettre de Nicole Debrie
à Pierre-André Taguieff

 

Suite à la parution du livre L’antisémitisme de plume, 1940-1944 ( Berg International Éditeurs ), qui contient un chapitre consacré à Céline par Annick Duraffour, Nicole Debrie nous adresse cette lettre à Pierre-André Taguieff, maître d’œuvre de cet ouvrage.

 

    La lecture de votre pavé publié sous votre direction de prestigieux Maître de recherche au CNRS a suscité par goût du contraste de la part de ma nature de bédouine extravertie l’envie d’une petite lettre primesautière... en attendant mieux.
    Quel rire pourrait être assez homérique pour accueillir tant de cuistrerie suffisante ?
    Après avoir enflé votre avenant poitrail, vous diafoirisez avec aplomb.
    Il faut avouer que le CNRS devient de plus en plus un bastion qui tourne au ghetto, et dont les barbelés sont les grilles marxistes... Prison dont les chercheurs ne sortent pas, hélas. En effet, si Karl Marx a eu, en son temps, la riche idée de remettre l’accent sur la "négativité", après Hegel, il faut le rappeler... ce que les Soviets en ont fait ressemblait plutôt à une recette de cuisine au sang... assez proche, somme toute, de ce que Céline appelait "la connerie aryenne". Citation que je n’ai pas trouvée sous la plume chercheuse de Madame Duraffour dont les citations les plus fréquentes sont bizarrement extraites de textes datant de 1937 et 38, malgré le titre annoncé (1940-1944).
    Dans cette "étude", on danse le menuet... avec des chaussures à clous. Cela sent son BERG bien germanique. "Autisme rhétorique"... "sociolecte"... rien n’y manque.
    Admirons avec quelle assurance, M. Taguieff, vous aragonisez sans avoir même lu les textes érudits d’un François-Georges Dreyfus, par exemple...
    Nous manque un nouveau Molière !
    Quant à Madame Duraffour à qui l’on a réservé un morceau de choix... fort coriace en vérité – Céline – , elle montre une prétention exorbitante : la voilà qui pense pouvoir isoler un vecteur de l’auteur sans connaître à fond son œuvre et sa pensée ! Quitte à recouvrir l’œuvre entière – comme naguère M. Alméras – de quelques projections simplistes ( "Céline, un antijuif fanatique" ). Comme si Céline pouvait se passionner pour une autre cause que celle de la poésie et de la médecine.
    Nouvelle Bécassine, elle paraît croire que le langage est constitué par un SENS OBJECTIF pétrifié dans les mots, alors qu’il n’acquiert ce sens que par des références multiples... HARMONIQUES, pour ainsi dire.
    Tel ce mot "race" qui a le plus souvent, chez Céline, le sens que lui donne Molière. Quand Céline écrit à une amie: "On ne fait rien sans quelque race", il renvoie évidemment aux "dynasties" qui, à force de perfectionnements ont réalisé des chefs-d’œuvre... voir les innombrables Couperins ou les familles de cliniciens... Proust, fils de médecin... etc. "On ne fait rien sans quelque race. Il faut que le gros travail ait été déjà fait par les parents et grands-parents. Il ne reste plus avec un peu d’effort qu’à recueillir les fruits du passé et des morts. Ce que nous sommes déjà. Ainsi soit-il" (Cahiers Céline 5, p. 208, 1941).
    De plus, le sens du langage n’est pas non plus le résultat d’un décodage, d’un décryptage comme vous le voudriez : vous aimez bien vous vanter de posséder une clef que vous proposez aux pauvres mortels !
    Il est vrai que le grand prêtre de la linguistique, M. de Saussure, l’imaginait ainsi... sans se douter apparemment qu’il dévoyait ainsi une intuition de la Kabbale : tentative pour déchiffrer, décrypter la structure analogique entre l’homme et Dieu... Lacan, hélas, a colporté ce dévoiement. *
    Le sens du langage n’est pas le résultat d’un décodage, mais la saisie très fugitive d’harmoniques... Musique ? Non pas évidemment celle de l’I.R.C.A.M. qui la réduit à une combinatoire dont on entend les désolants prodiges
"On est idiots mathématiques", écrivait Céline dans D’un château l’autre ( Gallimard, coll. "blanche", p. 309 ).
    Je laisse vos braves chercheurs méditer la remarque tout en priant que Dieu les protège du positivisme... et du révisionnisme bétonné des NOUVELLES CITÉS.
    Une chrétienne qui vous veut du bien.

 

Nicole DEBRIE