Anticélinisme

 

    Jamais deux sans trois... Après Bounan et Martin, voilà le chanteur Pierre Perret à donner dans l’anticélinisme primaire. Et dans l’"antiracisme" forcément. On ne peut s’empêcher de songer à ce qu’en écrit Patrick Besson : "L’antiracisme est une sorte de passeport magique, vachement tentant... Si vous n’avez pas (ou plus) de talent, d’un seul coup vous êtes considéré."
    Dans son dernier disque ("La bête est revenue"), l’immortel auteur du Zizi s’est donc fendu d’une chanson consacrée à Céline. Pour lui rendre hommage ? Pas vraiment, jugez plutôt :

" J’ai cru découvrir un grand écrivain
J’avais dix-huit ans quand j’ai lu l’Voyage
Puis Mort à crédit et après plus rien
Que des mots fascistes j’ai tourné la page
Il aidait les pauvres autant que les chatons
C’est c’qu’il prétendait mais il n’aimait guère
Tout c’qui était négro-judéo-saxon
D’la graine de racaille et de rastaquouère
[...]
Racisme d’abord, racisme avant tout
Racisme suprême et désinfection
C’est c’que tu écrivais dans "Je suis partout"
Pour toi Buchenwald fut la solution. "

    Un hebdomadaire du mercredi, citant ce passage, s’est contenté de relever : "On arrête ici. On a bien rigolé. Céline aussi, sûrement, qui n’a jamais écrit un article pour le journal collabo "Je suis partout". Et encore moins sur Buchenwald dont il ignorait alors l’existence (comme tous les Fransouzes de l’époque). Mais on lui pardonne, à Perret. De la part d’un garçon qui n’a pas eu trop d’une vie d’adulte pour dépasser le stade du pipi-caca, c’est déjà bien de savoir prononcer le nom de Céline sans l’écorcher. Ça prouve qu’il ne confond pas l’écrivain Louis-Ferdinand avec la chanteuse Dion."
    Certes. On pourrait aussi noter qu’il fait preuve d’une plus grande indulgence envers son cher Léautaud qui tient pourtant, dans son journal littéraire des années d’occupation, des propos farouchement antisémites et pro-allemands. Que cela soit pour nous l’occasion de citer, sans autre commentaire, cette lettre de Céline à Jean Paulhan que Perret ne doit pas connaître :
    "Lorsque j’attaquais les Juifs. Lorsque j’écrivais Bagatelles pour un massacre je ne voulais pas dire ou recommander qu’on massacre les juifs. Eh foutre tout le contraire. Je demandais aux juifs à ce qu’ils ne nous lancent pas par hystérie dans un autre massacre plus désastreux que celui de 14-18 ! C’est bien différent. On joue avec grande canaillerie sur le sens de mes pamphlets. On s’acharne à me vouloir considérer comme un massacreur de juifs. Je suis un préservateur patriote acharné de français et d’aryens – et en même temps d’ailleurs de Juifs ! Je n’ai pas voulu Auschwitz, Buchenwald. Foutre ! Baste ! Je savais bien que déclarant la guerre on irait automatiquement à ces effroyables " Petioteries " ! "

M. L.