Bloc-notes,
Octobre 2005
C’est ce 4 octobre que la
correspondance de Céline à Roger Nimier sera dispersée par l’étude
Tajan. Soit 228 lettres, dont 26 inédites. Estimation : entre 120.000 et
130.000 euros.
L’histoire de cette amitié commence au début de l’année 1949 lorsque
Nimier envoie au Danemark son premier roman, ainsi dédicacé : « Au
maréchal des logis Destouches, qui paie aujourd’hui trente ans de génie
et de liberté, respectueusement. Le cavalier de 2e classe Roger
Nimier ¹ ».
On connaît son destin tragique : fracassé à trente-sept ans sur l’autoroute
de l’Ouest, en compagnie d’une jeune femme, Sunsiaré de Larcône. On
savait peu de chose sur elle. Dans un beau livre, À la recherche de
Sunsiaré, Lucien d'Azay a tenté de recomposer au fil des ans le puzzle
de cette courte vie. Julien Gracq, Guy Dupré, Raymond Abellio furent
éblouis par cette créature fantasque, exaltée, tout à la fois ange et
vampire. Manifestement troublé par Sunsiaré, l'auteur fait entrer sa
propre histoire en résonance avec son enquête, agrémentant le récit de
sa passion amoureuse pour une certaine Esther ².
Gageons que cette correspondance de Céline à Nimier atteindra des sommets
à Drouot. De quoi agacer souverainement ceux qui, sur un site Internet,
traitent l'écrivain d'« ordure nazie » [sic], précisant que « la
célébration perpétuelle du "génie" célinien, depuis les
années cinquante, est un des symptômes culturels les plus forts de la
banalité séculaire de l’antisémitisme français et de l’importance
toujours occultée de "l’héritage de Vichy" dévoilé par le
grand historien américain Robert Paxton, il y a déjà presque 30 ans ».
Céline dans l’héritage de Vichy ? On imagine ce qu’il aurait répondu,
lui qui ne digéra jamais l’interdiction des Beaux draps en zone
non occupée par l’Amiral Darlan alors « dauphin » de Pétain et
vice-président du Conseil.
Étrange fascination exercée par Céline sur ceux qui ne l'aiment pas pour
des raisons parfois bien compréhensibles. Ainsi, on annonce un livre de
Sarah Kaliski, artiste juive (sœur du dramaturge belge René Kaliski),
meurtrie très jeune par la perte des siens durant la Seconde guerre
mondiale. Cette œuvre, à la fois graphique et littéraire, se présente
comme un portrait fantasmé de Céline. Sarah Kaliski porte sur lui, nous
dit-on, «un regard amoureux et violent», parvenant à dépasser sa
«douleur pour exalter le génie d’un créateur» ³.
M. L.
1. Dédicace reproduite par
François Gibault dans le premier tome de sa biographie de Céline (Mercure
de France, 1985, p. 150).
2. Lucien d'Azay, À la recherche de Sunsiaré, Gallimard, 2005, 392
pages.
3. «La France radicale», site Internet de la Gauche démocratique et
républicaine.
4. Sarah Kaliski, Quel est ton nom petit ? Louis-Ferdinand Céline,
Fata Morgana, 2005.
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