Tout le monde
l'ignorait...
L'écrivain L.-F. Céline est mort... et enterré
Louis-Ferdinand Céline a été enterré discrètement hier
matin à Meudon alors que presque tout le monde ignorait sa mort. Il avait succombé
samedi à une embolie, mais ses amis avaient tenu, selon son propre souhait, sa mort
secrète. L'écrivain était âgé de 67 ans.
C'est samedi à 18 heures que la mort a frappé Louis Destouches,
dit Louis-Ferdinand Céline, dans son petit pavillon à deux étages de la route des
Gardes à Meudon. C'est là qu'hier matin, à 8 heures, se sont réunis une cinquantaine
d'amis venus le mettre en terre. On reconnaissait Marcel Aymé, Roger Nimier, Claude
Gallimard, Lucien Rebatet, Max Revol, Renée Cosima, autour de Lucette Almansor, la
compagne de Céline.
Devant le pavillon, quatorze gerbes de glaïeuls, de roses et de
fleurs champêtres étaient alignées. Autour de sa veuve en manteau d'astrakan, un simple
voile noir noué dans ses cheveux blonds, se pressaient ses élèves du cours de danse.
Dans leur chenil, les huit chiens de Céline, habitués à s'ébattre librement dans le
jardin dont ils interdisaient l'accès aux importuns, semblaient ne pas comprendre la
soudaine raison de leur captivité.
À 8 h. 45, sous une pluie fine, le cercueil portant l'inscription
"Louis-Ferdinand Destouches, 1894-1961", était placé dans un fourgon mortuaire
qui était parvenu jusqu'à la ville du défunt avec difficultés, car le chemin qui y
conduit est étroit. Cinq minutes plus tard, le convoi arrivait au cimetière où la
bière était immédiatement descendue dans un caveau. Pâle, le regard fixe, les traits
crispés, Mme Céline, que soutenait sa belle-fille bénissait alors le cercueil, puis
s'éloignait aussitôt pour échapper aux paroles de consolation qu'elle semblait ne pas
vouloir entendre.
À 9 heures, le cimetière avait retrouvé sa solitude, et seuls
demeuraient trois journalistes et un photographe, témoins de ces obsèques que Céline
avait souhaité discrètes.
L'EST RÉPUBLICAIN, 5 juillet 1961.