Céline, les livres de la mère

En 1998, Jean-Claude Renard a soutenu une thèse de doctorat sur le thème "Figures maternelles dans le roman célinien" (Université de Paris IV). C’est de ce travail universitaire qu’est issu ce nouvel essai sur Céline. Celui-ci s’est plu à peindre un monde chaotique et infernal. On a vu dans son œuvre romanesque une somme de désastres, avec pour seule certitude, la proximité de la mort. Céline n’attend rien des hommes. Mais, s’il ne croit pas en eux, il pourrait croire à la mère…

L’intérêt de cette étude, qui s’appuie sur l’ensemble des romans (excluant les pamphlets), la correspondance et les entretiens, est de livrer une facette inédite et néanmoins réelle de Céline. Suggérée, racontée, tantôt sorcière, tantôt bonne fée, envahissante ou inaccessible, pathétique ou sublime, la mère déambule tout au long des œuvres romanesques. Il n’est pas de correspondance et peu d’entretiens dans lesquels elle n’apparaît pas. L’empreinte sur la personnalité de l’écrivain est telle que, comme Proust, Céline (qui a choisi de signer du prénom de sa grand-mère) aurait pu écrire "mère et ma grand-mère, mes modèles en tout".

Vue sous un angle maternel, la lecture de l’œuvre se trouve ainsi largement modifiée, voire bouleversée. Et l’on découvre Céline chantre de la contemplation, obstiné au bonheur, partisan de la vie, vibrant de tout le poids d’un héritage maternel réjouissant.

Extrait : "Céline auteur tend à se confondre avec le narrateur de chacun de ses romans. De Voyage au bout de la nuit à Rigodon, il a tout fait pour que la confusion entre le Docteur Destouches, l'auteur et le narrateur s'accomplisse. De Ferdinand Bardamu dans Voyage à Ferdinand dans Mort à crédit, jusqu'à Céline, définitivement identifié dans Féerie pour une autre fois (ce qui fait de Féerie le livre du dévoilement) jusque dans les derniers romans, le glissement vers l'identification a gagné au fil des textes. En même temps, personnages, décors et histoires se lient intimement à sa propre existence : la grand-mère boutiquière, le passage Choiseul, la guerre de 14, la médecine, l'exil au Danemark, le refuge à Meudon, la mère. Céline est l'auteur du récit autobiographique toujours en mouvements et contradictions, à l'image de son existence. Récit bercé, ballotté ou chahuté par la prégnance maternelle, nourrissant, encombrant à des degrés divers la pensée, le souffle et l'écriture. Du rapport à la femme à la rébellion contre le père, de la nostalgie du passé à l'impossible jouissance, de l'exercice de la médecine au bouleversement de la langue. Vue sous un angle maternel, la lecture de Céline pourrait se trouver largement modifiée.".

P. M.

 

Jean-Claude Renard. Céline, les livres de la mère, Buchet-Chastel, 2004, 312 p. Prix : 23 € franco. Disponible auprès du Bulletin célinien.