Céline consacré par la revue

Littérature internationale

Événement célinien en Russie : la prestigieuse revue littéraire fait paraître un numéro spécial sur l’auteur de Voyage ! Cette publication, créée en 1891, est une véritable institution. Lue par un public de lettrés, elle s’intéresse à la littérature contemporaine et a révélé de nombreux auteurs français aux Russes cultivés, notamment en proposant des œuvres majeures sous la forme de feuilletons, selon la tradition en vigueur dans ce pays depuis Pouchkine.

Cet automne, c’est Céline qui eut les honneurs du mensuel russe. Sommaire très riche : de larges extraits de Guignol’s band, le " Mémoire en défense " (1946), ainsi que diverses interviews, des chapitres de la biographie de Frédéric Vitoux, et une présentation de l’écrivain par Alexeï Zvérev, rédacteur en chef adjoint de Littérature internationale.

À cette occasion, nous avons eu un entretien avec Irina Radtchenko, éminente traductrice et principale collaboratrice de ce numéro spécial. Elle est également l’auteur d’une remarquable traduction de Mort à crédit, inédite à ce jour.

 

Quelle est la situation actuelle de Céline en Russie ? Est-il vraiment présent dans votre pays 

Malheureusement, il est encore trop tôt pour parler de quelque " présence " de Céline en Russie que ce soit. Le grand public l’ignore tout simplement, tandis que les lecteurs cultivés et même les lettrés le connaissent essentiellement de nom. Il n’y a pas de spécialistes de Céline dans notre pays. À l’université, il est mentionné seulement dans les cours magistraux de littérature française. Céline n’est réellement " présent " qu’au sein de la Société des études céliniennes de Russie dirigée par Maroussia Klimova et Viatcheslav Kondratovitch. Ils ont également organisé, au printemps 1999, une soirée dédiée à l’œuvre de Céline qu’ils ont qualifiée de " colloque international " ¹, ce qui est pour le moins exagéré, me semble-t-il.

 

Quelles sont les traductions actuellement disponibles et quel jugement portez-vous sur la valeur de celles-ci ?

Si le public russe ne connaît pas Céline, c’est justement parce que son nom a été trop longtemps occulté chez nous. Néanmoins, il est étonnant qu’il soit si méconnu quand on songe que ses romans sont publiés depuis huit ans déjà. Deux traductions de Voyage au bout de la nuit ont paru : celle de Iouri Kornéev (Moscou, 1994) et celle d’Alexandra Iounko et Iouri Gladiline (Kishiniov, 1995), sans compter la réédition de la traduction d’Elsa Triolet qui, en réalité, n’en est pas une : c’est une adaptation libre et abrégée. Mort à crédit (traduction de Tatiana Kondratovitch, Moscou, 1994) et D’un château l’autre (traduction de Maroussia Klimova et Viatcheslav Kondratovitch, Saint-Pétersbourg, 1998) ont été édités et réédités ² . Je ne puis donner mon opinion sur la qualité de ces traductions, car je ne les ai pas vraiment lues, seulement feuilletées. Quoi qu’il en soit, les traductions du français, je les lis le moins possible, car cela me gêne dans mon travail. Et quand il s’agit d’un auteur ou d’un roman que j’ai traduits, mon jugement risque d’être altéré. Une seule chose est évidente : il est extrêmement difficile de traduire Céline, et je ne suis même pas sûre qu’une traduction absolument fidèle à l’original puisse être possible. Je sais que les livres de Céline se vendent mal et que le premier roman publié chez nous en 1994 a quelque peu déçu les lecteurs. C’est peut-être aussi à cause de la traduction...

 

En quoi consiste votre revue ? Quel est son tirage actuel ?

Littérature internationale est un mensuel qui existe depuis plus de cent ans. Il publie les traductions des œuvres de prosateurs, poètes, critiques, ainsi que de publicistes contemporains. À l’époque soviétique, c’était une sorte de fenêtre ouverte sur le monde libre par laquelle arrivaient, de temps à autre, des échos de la littérature occidentale. De nos jours, c’est une publication très sérieuse et de bon ton qui essaie de présenter le plus objectivement possible la vie littéraire des autres pays. En outre, elle ne cède pas à la tentation de publier des romans faciles à l’intrigue bien ficelée destinés à la masse. Les rédacteurs sont tous de vrais professionnels qui veillent soigneusement à la qualité des traductions. Malheureusement, la diffusion de la revue n’est pas très bien organisée, ce qui diminue le nombre de lecteurs potentiels. Actuellement le tirage est d’environ 12.000 exemplaires, alors qu’il avait atteint jusqu’à 400.000 exemplaires pendant la perestroïka.

 

Qui a eu l'initiative de ce numéro spécial sur Céline ?

L’initiative de publier un numéro spécial sur Céline – ce que la revue nomme un " guide littéraire " – appartient au rédacteur en chef adjoint, Alexeï M. Zvérev. Son article n’en est que plus surprenant et franchement étrange, car Céline y est présenté comme un personnage funeste et, pire encore, comme un écrivain médiocre, un esthète dont le chemin " mène dans le vide ", selon l’expression de Marina Tsvétaïeva.

 

Qui est l'auteur de l'introduction et quelles sont les grandes lignes de celle-ci ?

Dans la petite introduction rédactionnelle, Céline apparaît comme un personnage très contradictoire qui, de son vivant comme aujourd’hui, suscite des opinions diamétralement opposées et des débats houleux. Sa vision apocalyptique du monde reflète fidèlement, selon l’auteur de cette introduction, les cataclysmes inouïs du XXe siècle.

 

Le fait de consacrer un numéro à Céline en Russie soulève-t-il encore des réticences compte tenu de ses positions radicalement anticommunistes et antisoviètiques ?

Aujourd’hui, les positions anticommunistes et antisoviètiques ne vont étonner personne chez nous. Je crois qu’elles n’intimident aucunement les lecteurs.

 

Comment s'est établi le choix du sommaire de ce numéro spécial ?

C’est Natalia A. Bogomolova, responsable de la section critique littéraire, qui s’est occupée du choix des textes. Moi, j’ai proposé Guignol’s band, mais il est vrai que, pour permettre au lecteur de suivre le fil de l’action, les passages " lyriques " ont été élagués et les scènes " terrifiantes " se sont plutôt concentrées.

 

Un texte comme Mea culpa aurait-il précisément pu figurer dans ce dossier ? Voire les pages sur la Russie soviétique extraites de Bagatelles pour un massacre ?

Je pense que les pages antisoviétiques de Bagatelles pour un massacre et de Mea culpa n’ont pas été retenues pour ce numéro parce qu’elles avaient déjà été publiées (Mea culpa, à deux reprises : dans la traduction d’Arina Istratova ³ et dans celle d’Esperanza Galiego Rodriguez et Sergueï Iourienen 4, et Bagatelles, dans la traduction de Tatiana Kondratovitch et Viatcheslav Kondratovitch 5 ).

 

La biographie de Frédéric Vitoux a-t-elle été entièrement traduite en russe ? Quels sont les livres actuellement disponibles sur Céline en Russie ?

La biographie de Frédéric Vitoux n’a pas été traduite entièrement. C’est toujours Natalia Bogomolova qui a choisi les chapitres à traduire, et la revue n’a acheté les droits que pour ceux-ci. En attendant, le seul livre consacré à l’écrivain est la brochure Celine en Russie éditée par la Société russe des Études céliniennes (Saint-Pétersbourg, 2000, 140 p., tirage 800 exemplaires). Il regroupe des pages céliniennes sur la Russie, les échos journalistiques suite à la publication de Voyage en russe, les communications du " colloque " de 1999...

 

Quel jugement littéraire portent les critiques littéraires russes actuels sur l'œuvre célinienne ?

Chez nous, il y a très peu d’articles de critique littéraire sur Céline, et les études substantielles sont inexistantes. L’introduction au Guide célinien mentionnée ci-dessus résume, en quelque sorte, l’opinion générale : un personnage contradictoire, déchiré, un mélange " de génie et de scélérat " – oui, mais chaque Russe se rappelle bien que " ce sont deux choses incompatibles " 6).

 

À quelles difficultés vous heurtez-vous pour traduire Céline en russe ? Quelles œuvres de l'écrivain avez-vous déjà traduites ? Les difficultés ne sont-elles pas encore plus grandes pour un texte comme Guignol's band qui est une sorte de prose poétique et lyrique ?

J’ai traduit Guignol’s band qui va bientôt sortir chez AST-Folio. Bien avant, j’avais déjà traduit Mort à crédit, ayant signé un contrat avec les éditions Text (Moscou), détentrices des droits. Néanmoins, en 1994, lorsque je disposais déjà des épreuves, Mort à crédit a paru dans une traduction non autorisée (chez AO Mokine 7). C’est pourquoi Text a d’abord retardé la parution du livre. Ensuite, ils ont carrément refusé de le publier, arguant du fait que ce titre publié par Mokine ne se vendait pas.
J’avais mis beaucoup de temps et d’efforts à traduire Mort a crédit. Hormis les difficultés de langage proprement dites, je me suis heurtée au fait que la prose de Céline exerce sur moi une très forte influence émotionnelle – vous n’ignorez pas que le traducteur essaie évidemment de s’identifier à l’écrivain, de s’imprégner de ses sentiments. Aussi bizarre que cela puisse paraître, j’ai eu moins de difficultés avec Guignol’s band. Peut-être ai-je commencé à mieux comprendre Céline...

 

Votre Guignol's band va sortir chez AST-Folio au début de cette année 8. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette maison d'édition et les Œuvres choisies de Céline qu'elle propose au lecteur russe ?

Folio se trouve à Kharkov, en Ukraine. Ils publient beaucoup de livres importants en russe, entre autres, les œuvres choisies d’auteurs occidentaux – par exemple, l’œuvre de Camus en 5 volumes. Ces derniers temps, Folio fait paraître des livres en coopération avec AST, la plus grande maison d’édition moscovite. Quant à Céline, Folio a prévu de publier son œuvre romanesque en six volumes. Le choix des textes est de M. Klimova et V. Kondratovitch. Pour l’instant, je ne compte pas traduire d’autres titres de Céline, d’autant que les principaux romans sont déjà disponibles en russe, et que je ne veux pas m’occuper des pamphlets. Maintenant je vais m’attaquer au dernier roman de Michel Houellebecq, La Plateforme, pour les éditions Inostranka (fondées par la revue Littérature internationale).

 

Qu'est-ce qui, selon vous, peut séduire le lecteur russe dans l'œuvre de Céline ? Cette œuvre vous paraît-elle essentiellement pessimiste et noire, comme le laisse entendre Littérature internationale ? Est-ce ainsi que vous la voyez personnellement ?

Céline disait bien dans l’une de ses interviews : il est tout à fait erroné de croire qu’au commencement était le Verbe – au commencement était l’Émotion 9. Il accusait la fameuse clarté française d’avoir tué l’émotion. En effet, il existe en Russie une opinion selon laquelle la littérature française serait essentiellement rationnelle. L’irrationalisme et l’émotivité de Céline doivent, je le pense, trouver un écho dans la " mystérieuse " âme russe. D’aucuns qualifient son œuvre de " noire ". Je préfère dire qu’elle est tragique, comme le sont les pièces de Shakespeare. Et bien entendu fantasmagorique, dans la tradition rabelaisienne.

 

Après avoir fait ce travail, quelle image avez-vous de l'homme Céline ?

Je vois Céline comme un homme avec une mentalité " tordue " et une sensibilité maladive.

 

Que savez-vous de la manière dont Céline est perçu en France aujourd'hui ? Êtes-vous au courant des controverses dont il est l'objet ? Connaissez-vous les travaux de la Société des études céliniennes ? Quels sont les aspects de la recherche sur Céline qu'il faudrait, selon vous, développer en Russie ?

Je ne suis pas très attentivement les publications céliniennes en France, mais je regarde certaines choses, de temps en temps : par exemple, les souvenirs récemment parus de sa femme Lucette Destouches présentés par Véronique Robert 10. À première vue, le sujet des débats n’a pas vraiment changé depuis les années 40 : il s’agit d’une contradiction entre l’immense talent et l’attitude politique de l’auteur. Il est effectivement impossible de réconcilier ces deux choses-là. Les critiques littéraires russes devraient plutôt concentrer leur attention non pas sur la biographie de Céline, mais sur l’analyse de sa prose, car les faits biographiques sont plus ou moins connus – , et ici, toute étude substantielle serait bienvenue.

 

Céline est-il essentiellement perçu comme un auteur populiste en Russie ? Le fait que Voyage au bout de la nuit ait été perçu comme un roman communisant a-t-il entravé la réception critique de Céline après l'écroulement du communisme ? Ou Céline est-il essentiellement perçu comme un sympathisant des forces de l'Axe aujourd'hui ?

En Russie, Céline est connu non pas comme un auteur populiste ou communisant (dans Voyage), ni comme un anticommuniste ou un écrivain antisoviétique, mais comme antisémite et collaborationniste. C’est précisément cela qui représente l’obstacle principal à sa reconnaissance par le public éclairé.

 

Comment faites-vous pour traduire des expressions argotiques de Céline ? Trouvez-vous des équivalences dans la langue populaire russe ?

Oui, bien entendu, j’essaie de trouver des expressions équivalentes dans le langage parlé. Le russe non conventionnel est très riche. Le problème – qui se pose d’ailleurs avec d’autres auteurs également – , c’est que ce russe-ci, dans son ensemble, est beaucoup plus brutal que le français parlé.

 

Pensez-vous que Céline pourrait avoir énormément de lecteurs dans votre pays ? Est-ce qu'il pourrait correspondre au goût des Russes ? Ou bien estimez-vous que cette littérature est trop atypique pour conquérir un vaste public, même auprès des lettrés ?

Je pense que Céline n’aura pas énormément de lecteurs dans notre pays : ce genre d’oeuvre est trop complexe. D’autre part, comme les livres de Céline continuent à paraître, j’ose espérer qu’un plus grand public le découvrira enfin - , pour autant que la qualité des traductions ne fasse pas obstacle. J’ai tendance à croire que les romans publiés en 1994 ont tout simplement été noyés dans le torrent impétueux de livres qui étaient interdits pendant plusieurs décennies et qui se déversaient à ce moment-là sur la tête des lecteurs russes. Autrement, ce serait vraiment très triste si des Limonov 11 et autres s’appropriaient Céline chez nous.

 

Propos recueillis par

Arina ISTRATOVA & Marc LAUDELOUT

Notes

 

1. Ce " colloque " eut lieu à Moscou, le 27 mai 1999, au club de l’O.G.I, siège d’une maison d’édition. Le seul participant étranger était François Gibault dont la communication représentait une version quelque peu remaniée et abrégée d’un chapitre de sa biographie célinienne (Céline, 1932-1944, Délires et persécutions, tome 2, Mercure de France, 1985, pp. 128-146 ).
2. Relevé des traductions russes, après 60 ans de silence, depuis la version caviardée d’ "Elsa Triolet" (1934).
Voyage au bout de la nuit : 1) réédition de la traduction de 1934 signée Elsa Triolet : Moscou, AO TIPK-7, 1994, tirage : 25.000 exemplaires ; 2) traduction Iouri Kornéev, Moscou, Progrès-Bestseller, 1994, tirage : 25.000 exemplaires, réédition : Moscou-Kharkov, AST-Folio, collection " Sommets ", 1999, tirage : 10.000 exemplaires ; 3) traduction Alexandra Iounko et Iouri Gladiline, Kichiniov (Moldavie), Axul Z, 1995, tirage : 20.000 exemplaires.
Mort à crédit : traduction Tatiana Kondratovitch, Moscou, AO Mokine, 1994, tirage : 50.000 exemplaires, réédition : Moscou-Kharkov, AST-Folio, collection " Sommets ", 1999, tirage : 10.000 exemplaires.
D’un château l’autre : traduction Maroussia Klimova (= Tatiana Kondratovitch ) et Viatcheslav Kondratovitch, Eurasia, collection " Ultima Thule ", Saint-Pétersbourg, 1998, tirage : 4.000 exemplaires, réédition : Moscou-Kharkov, AST-Folio, collection " Sommets ", 1999, tirage : 10.000 exemplaires.
3. Le Journal indépendant, Moscou , le 1er août 1991, p. 5.
4. Strélets [ Le Sagittaire ], Paris-Moscou-New York, éditions Troisième vague, 1993, n° 1 (71), pp. 200-211. Réédité in Céline en Russie, éditions " Amis de Louis-Ferdinand Céline ", Saint-Pétersbourg, 2000, pp. 39-47.
5. Nevski arkhiv [Archives de la Néva], Moscou-Saint-Pétersbourg, Atheneum-Phénix, 1995, pp. 95-122. Réédité in Céline en Russie, op. cit., pp. 15-38.
6. Pouchkine, Mozart et Salieri (Petites tragédies), scène II, vers 44-45.
7. " Chez Gallimard [ à la Foire internationale du livre de Moscou ]..., Ania Chevallier se réjouissait d’avoir eu de nombreuses demandes de droits d’un peu partout : Michel Foucault... chez Ad Marginem ; Céline (Mort à crédit, déjà traduit chez un éditeur disparu ) chez Text... ", écrivait Nicole Zand, dans son article Le Rendez-vous de Moscou, in Le Monde, le 22 septembre 1995.
8. Guignol’s band II, dans la version russe d’Oleg Pitchouguine (traducteur de Colette, Bernanos, etc.), va être publié par la même maison d’édition.
9. " Vous savez, dans les Écritures, il est écrit : "Au commencement était le Verbe". Non ! Au commencement était l’émotion. " (Exposé enregistré : " L.-F. Céline vous parle ", in Cahiers Céline 2, p. 87).
10. Véronique Robert avec Lucette Destouches, Céline secret, Grasset, 2001.
11. Edouard Véniaminovitch Savénko, dit Limonov (né en 1943), leader du Parti National-bolchevique en Russie. En effet, le journal du PNB Limonka, présent également sur Internet ( http://www.nazbol.narod.ru/limonka ) avait même publié dans l’un de ses premiers numéros un article intitulé " Notre Louis-Ferdinand Céline " ( ! ) : voir Limonka, 1995, n°9.

 

Louï-Ferdinan Céline ili Poutéchestviïé na kraï otchaïaniïa. Litératournyï guide (Louis-Ferdinand Céline, ou le Voyage au bout du désespoir. Guide littéraire), n° spécial du mensuel Inostrannaïa litératoura (Littérature internationale), Moscou, 9, septembre 2001, pp.163-311.

Outre les écrits de Céline (Guignol’s band et Mémoire en défense), ce numéro comprend divers entretiens (dont celui avec Claude Bonnefoy), des textes de Frédéric Vitoux, René Barjavel, Albert Béguin, André Breton, Albert Camus, Jean Dubuffet, Morvan Lebesque, Benjamin Péret, Charles Plisnier, Paul Rassinier, et Alexeï Zvérev, ainsi qu’une chronologie biographique.

Indice de succès ? Nos amis moscovites nous signalent que ce numéro est déjà épuisé.

 

Irina Radtchenko

Philologue de formation et titulaire d’une maîtrise de l’Université de Moscou, Irina Radtchenko a écrit son mémoire sur Georges Bernanos (1973). Ses dernières traductions ? Le roman de Jean Rouault, Les Champs d’honneur (Éd. Text, 2000 ) et deux romans de Jean-Philippe Toussaint, Monsieur et L’Appareil photo (Littérature internationale, 2001). Elle dit : " Ce sont deux auteurs complètement différents, mais l’un et l’autre ont un style très personnel. Ils illustrent bien tout l’intérêt que je porte aux difficultés de la traduction littéraire, telles que j’ai pu les appréhender au cours du séminaire dirigé par Nadéjda Jarkova, traductrice de renom. "

Irina Radtchenko a traduit, entre autres, Camus, Vian, Giraudoux et Flaubert pour de grandes maisons d’éditions russes. Elle s’attache à traduire certains écrivains pour leurs caractéristiques stylistiques. " C’est la transposition du style dans une autre langue qui m’avait conduite autrefois vers Céline. L’histoire de mes traductions de cet écrivain est plutôt triste. En 1991, j’aurais dû interpréter comme un signe du destin l’échec rencontré avec ma proposition de traduire Voyage pour Littérature internationale ¹, et ne plus jamais m’attaquer à Céline. C’est un travail exténuant et très perturbant. J’ai travaillé pendant plusieurs années sur Mort à crédit, de 1992 à 1995, or ma version n’a jamais été publiée (voir supra). Quant à Guignol’s, ici aussi, l’éditeur avait d’abord renâclé pour se décider après de nombreuses hésitations.

Dans les deux cas, les éditeurs, ayant appris que je m’intéressais à Céline, m’ont proposé de le traduire. De toute évidence, cet écrivain n’intéressait guère mes confrères... "

 

1. Tchinguiz Aïtmatov, alors rédacteur en chef, et son adjoint Nikolaï Anastassiev, avaient refusé de publier le roman de Céline.