Une encyclopédie de l’exil danois
Un pavé in-quarto de 425 pages, intitulé Images d’exil. Louis-Ferdinand Céline, 1945-1951 (Copenhague-Korsør), est paru cet été. Du vrai bonheur pour les céliniens. Tout ce qu'ils ont toujours voulu savoir sur Céline au Danemark s'y trouve, et plus encore. Cette somme constitue désormais l'ouvrage de référence sur le sujet. La biographie n'étant
pas le domaine de prédilection des chercheurs, les études sur l'exil
danois ne sont pas légion. Hormis le plaidoyer d'Helga Pedersen (1975)
et les livres de François Gibault et de Philippe Alméras, il n'y avait
rien ou presque. Un des premiers à avoir effectué des recherches sur
place est Henri Thyssens : dans une série d'articles (" Au Royaume
de Danemark", BC, 1988), il avait livré quelques portraits et
s'était penché sur l'épineuse question de l'or. La première partie n'est assurément pas la moins intéressante, car elle éclaire deux personnages sans lesquels Céline n'aurait pu gagner le Danemark en mars 1945: Hermann Bickler et Werner Best. Mais surtout elle rappelle en quoi la situation danoise fut particulière sous l'Occupation allemande avec cette étonnante "ålespolitik" (politique d'accommodements) qui vit un Premier ministre (Erik Scavenius) former un gouvernement en bonne entente avec Werner Best (plénipotentiaire du Reich au Danemark). Et de collaborer sans grands heurts jusqu'en septembre 1943, organisant même des élections parlementaires en mars de cette année ! Ce qui se passa lors de la Libération du territoire n'est pas moins surprenant: Scavenius nullement inquiété (rendant même visite à Best dans sa prison), et une épuration qui se limita à moins de cent personnes condamnées à mort, dont la moitié exécutées. Sans oublier une nette réserve de la population à l'égard des communistes auxquels elle reprocha de l'avoir mise en danger par leurs excès. La comparaison avec ce qui s'est passé dans d'autres pays occupés laisse rêveur. L'intérêt de cet
ouvrage est aussi de fournir d'intéressantes biographies critiques des
personnalités ayant croisé la destinée de Céline au Danemark et dont
on savait finalement peu de choses: Thorvald Mikkelsen, Per Federspiel,
Herman Dedichen, Aage Seidenfaden, Henning Jensen, etc. (côté danois),
et, dans des registres différents, Guy de Girard de Charbonnière,
François Löchen, Jacques Mourlet, Gabrielle et Ercole Pirazzoli...
(côté français). Deux chapitres méritent
encore qu'on s'y attarde ici: celui consacré à "'affaire Hindus"
dans lequel les auteurs montrent bien le ressentiment et même la
malveillance manifestés par l'auteur de Crippled Giant au moment
même où Céline risquait gros, et le chapitre consacré au dossier de
l'amnistie. Le rôle déterminant de Tixier-Vignancour et celui du
colonel André Camadau (Commissaire du Gouvernement devant le Tribunal
militaire de Paris) sont bien mis en valeur.
M. L.
Éric Mazet & Pierre Pécastaing, Images d’exil. Louis-Ferdinand Céline, 1945-1951 (Copenhague-Korsør), Du Lérot & La Sirène, 2004, 428 pages, 93 illustrations in-texte, noir et couleurs. Préface de Claude Duneton. Tirage limité à 520 exemplaires, soit 50 exemplaires hors commerce, 20 exemplaires sur Mémoire de papier et 450 exemplaires sur vergé Perle. À la parution du précédent ouvrage dû aux mêmes auteurs (Lettres à Antonio Zuloaga), nous avions regretté – sans doute de manière trop vétilleuse – qu'une si remarquable édition comportât maintes coquilles. L'observation déplut, on peut le comprendre. Cette édition-ci est à l'abri de toute critique de ce genre, et chacun s'en réjouira. D'autant que les très rares erreurs sont vénielles ou relèvent du lapsus calami : par exemple, page 358, Lucien Combelle, "de L’Émancipation nationale" (au lieu de Révolution nationale). Signalons, en parallèle, la parution du livre de souvenirs de Bente Karild, Rytme, dans. Céline og hans danske venner / Céline et ses amis danois, chez l'auteur, 96 pages, 102 photographies. Il s'agit d'une édition franco-danoise. Tirage limité à 1000 exemplaires.
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