Lettre de Céline à Georges Duhamel (7 novembre 1947)

Le souffle qui anime mes livres n’est pas de " vengeance, de violence et de passion " c’est un souffle de patriotisme. Il faut bien vous le révéler puisque vous ne semblez rien y comprendre. Ce n’est pas un souffle d’enculé ni par les allemands, ni par les anglais, ni par les russes, ni par les américains, c’est un souffle de FRANÇAIS ! Ah ! quelle rareté !... j’ai tout perdu, j’ai tant souffert pour essayer que le sang français ne COULE PLUS. Là est mon crime, tout mon crime. C’est à moi de vous juger tous et non à vous de me juger. M. Sartre me dénonce comme agent de la Gestapo... En voilà du dénonciateur, de la bourrique puisque vous en cherchez. Et de la plus ignoble espèce : la glorieuse planquée. Allons Duhamel qu’attendez-vous pour le foudroyer ? Allons la Vertu ! mais je vous vois bien plus en train de faire campagne à l’Académie en sa faveur... je n’ai jamais réclamé pendant l’occupation la peau, l’incarcération de personne... c’est sous la " botte " et sous Pétain que rutilèrent et comment ! Mauriac, Cocteau, Claudel, Aragon, etc. les signataires des listes noires... vous le savez mieux que personne. Quel écrivain a souffert " sous la botte " ? la lessive au sang de l’épuration n’a rien purifié Duhamel... les clefs de Madame Macbeth ouvrent de curieuses portes...