Léonie Bathiat dite Arletty

    Arletty est là, à quelques mètres. Sa silhouette gracile se découpant sur un fond bleuté, la blancheur diaphane de sa peau, ses cheveux d'un noir corbeau, ses grands yeux pétillants, ses lèvres fines. Et quand de sa bouche sort la première phrase, le public est comme hypnotisé. Cette gouaille n'appartient qu'à elle. Oui, l'illusion fonctionne. Sur scène, Aurore Prieto fait revivre avec justesse et intelligence Léonie Bathiat dite Arletty. Pendant plus d'une heure, la comédienne met en scène, adapte, interprète et sert au mieux un spectacle qui fait revivre une des grandes dames du siècle.

    Mais n'attendez pas le mot aérien qui a rendu Arletty populaire. Il n'est jamais prononcé dans le spectacle. La comédienne ne tombe pas dans la caricature ou l'imitation. Cousine de Prévert et de Céline, Arletty témoignait de sa libre pensée et de son indépendance. "Sous couvert de gloire, le destin d'Arletty est tragique, raconte Aurore Prieto. Inspirée par son livre de souvenirs, La Défense, et par des interviews, j'ai faire revivre sa parole, pleine de gouaille savoureuse qui sculpte aussi bien l'émotion que le rire".

    Arletty raconte. Elle évoque ses origines modestes, son enfance en banlieue dans des immeubles où elle était « boule de rampe », ses premières amours : "Les filles de la Défense ne monnayent pas leur virginité . elles se donnent en douce... Ses yeux bleus étaient si bleus que je l'appelais ciel" et ses premiers chagrins :"J'ai blindé mon cœur j'avais cinq ans." La roue tourne. Arletty traverse la Grande Guerre entre Mademoiselle Chanel, Bernstein et le golf de Saint-Cloud. Un pygmalion et le culot de la jeune femme la font meneuse de revue au Théâtre des Capucines . « Pourquoi cet après-midi là ne suis-je pas passée devant le Théâtre de l'Odéon ? La tragédie l'a échappé belle. A quoi tient une carrière ! A un trottoir... » De théâtre en cinéma, de rencontres en amours dites coupables, sa vie est ponctuée de phrases incisives, drôles et émouvantes. Aurore Priéto est une grande dame.

Corinne NEVES

Léonie Bathiat dite Arletty. Ce spectacle fut d'abord donné, en avril [1996], à la Maison du théâtre et de la danse d'Epinay puis au Théâtre du Ranelagh, à Paris.