Lucette porte un mauvais coup à Céline...

   Lucette porte un mauvais coup à Céline, et Madame Destouches y a perdu sa grâce. Ce ramasse-miettes incontinent de Nabe a encore une fois régalé les vermines médiatiques. Le Nabe’s dream ? Ni le vrai jazz au fond ou la vraie poésie, mais gloriole et pognon, pour oublier le music-hall de son enfance. Marre du cirque à la Zanini, le Nabe quadragénaire ! Lui qui revendiquait l'héritage d'un Élie Faure ou d'un Rebatet est tombé au niveau d'un Guibert ou d'un Jardin, avec la vieille recette du " roman à clés " et du journal romancé. Que n'aurait-il fait pour s’habiller couleur crème NRF et se croire du coup reconnu par les " gens de lettres " ! Le pire du Nabe n'est pourtant pas son " style " péremptoire ou contourné – somme toute à la mode ces temps-ci chez les archivistes gallimardeux –, mais c’est qu’il ridiculise Lucette, car dans son " roman ", sous couvert d'apologie, elle apparaît comme une idiote qui dit n'importe quoi et qui fréquente n'importe qui, minaude, invente, et traîne dans la boue tous les anciens familiers de Céline. Revanche des veuves trop longtemps réduites au silence. Mais Céline à son tour d'être déprécié puisqu'il aimait ce genre d'écervelée ou d'amis de piètre valeur. La preuve est qu'Elizabeth Craig, dédicataire de Voyage au bout de la nuit aux dires de Nabe – ou de Lucette –, n'était qu'une " idiote sans poésie ". Donc Céline était bête. Et d'autant plus qu'il n'attire que des tarés ou des crétins, sauf Nabe et Stévenin, les joyeux gardes " lucétiens " grands pourfendeurs de tous les " céliniens " d’hier et d'aujourd'hui, ceux qui se sont battus au lieu de pérorer. Même les rares " céliniens " de Meudon, tels Gibault ou Perrault, si l'on sait un peu lire, n'apparaissent pas non plus – dans leurs conservations ou leurs distractions – comme des êtres de franche qualité ou de raffinement. Conversations vulgaires, mièvreries ridicules, propos à ras de terre. Seul le rondouillard chauve Stévenin y serait magnifié, si sa passion ringarde pour Johnny ne trahissait pas sa vulgarité, et son nom aurait dû donner son titre au " roman ", car nous apprenons moins de choses sur Lucette que sur cette " figure " des seconds rôles du petit écran. Asinus asinum fricat, mais publicités littéraire et éditoriale obligent.

    Lucette Almansor n'est qu'un faire-valoir pour ces vieux Rastignac aux caméras vides et aux stylos baveux qui tournent autour de " Madame Céline ". Jusqu'à présent elle semblait avoir eu assez de flair pour ne pas mélanger les gigolos histrions et les chercheurs productifs, invitant les uns pour le besoin de sa distraction et les autres pour les travaux d'érudition. Mais elle n'aura pas été la première veuve de génie abusée par des flatteries d'écrivaillons ratés, les coucous de basse-cour même si l'on eut pu croire que son expérience lui aurait servi à éviter ce genre de profiteurs ou de délateurs. Il y a pire que l'acharnement dans l'insignifiance du petitement grinçant à brocarder les meilleurs céliniens. Le Nabe en effet va très loin dans la diffamation, même à l'encontre de personnes vivantes. La première femme de Le Vigan y est carrément dénoncée à la justice. Jamais Céline n'a dénoncé quiconque. Par inconscience, bêtise ou saloperie, l'aspic Nabe dénonce les uns et les autres aux flics de la pensée et à la justice tout court. Cela rappelle le carnaval des collabos, le temps des indics en impers et chapeaux. D'ailleurs le Nabe bouffonne dans ce déguisement au jardin de Céline, comme s'il voulait confirmer les calomnies à l'égard du maître. Pauvre Lucette ! N'importe quelle ablette se méfie des requins qui se contorsionnent en dauphins. Les égéries ont rarement l'oreille ou le regard de leur défunt génie. Bienheureuse madame Shakespeare de n'avoir croisé l'un de ces faux hagiographes qui vous convainquent les douairières de remonter sur les planches ! Il faut savoir entendre la colère de Céline monter route des Gardes ces jours-ci. Il suffit de tendre l'oreille. Un tout petit peu seulement. Mais " au vent qui rugit "…

 

Jean BLAJOUX