L’IMEC réclame 10.000 FF au site Céline !

 

Comme chacun sait (c’est signalé tous les mois en deuxième page du Bulletin célinien), nous réalisons également sur Internet un site entièrement consacré à Céline. L’entreprise est complètement bénévole. Due essentiellement à David Desvérité, un passionné de Céline, elle propose un panorama complet de tout ce qui concerne l’œuvre et l’écrivain. Ce site fait l’unanimité dans la presse spécialisée et sur le web : " Du grand art " ( Hachette.Net, septembre 1998 ) ; " Un bon site sur cet auteur controversé " ( L’Officiel du Net, mars 1999 ) ; " Intelligent sans être intellectuel, cultivé sans être universitaire, ce site est un point de passage incontournable pour tous ceux qui s'intéressent à l'auteur du Voyage au bout de la nuit. " (www.auteurs.net ), etc.

 

On se souvient que les éditions Gallimard ont déjà été menaçantes en exigeant que tout texte de Céline soit retiré du site. La manœuvre n’était pas très élégante puisqu’elle consista à faire pression sur le fournisseur d’accès (Infonie) afin que le webmestre obéisse aux ukases gallimardiens. Étonnant acharnement à mettre des bâtons dans les roues de ceux qui ont pour seul but de mieux faire connaître une œuvre et un écrivain. C’est d’autant plus étonnant qu’en principe, Gallimard devrait se féliciter qu’un site fasse ainsi une publicité non négligeable et entièrement gratuite pour l’un de ses grands écrivains.

Aujourd’hui, c’est l’IMEC (Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine), situé à Paris, qui nous réclame de l’argent pour des photographies qui sont sur le site et dont il gère les droits d’exploitation. Sur le plan juridique, on ne contestera pas cette exigence. Internet obéit aux mêmes lois que la presse écrite, et si des clichés appartenant à untel ou untel sont reproduits, on ne voit pas pourquoi on serait exonéré du versement de droits de reproduction. Sur le plan moral, il en va peut-être autrement. Il nous semble que tous les admirateurs et défenseurs de l’œuvre célinienne devraient se réjouir de l'existence d'un site comme celui-là, et donc faire une exception à la loi commune qui consiste à exiger de l’argent pour tout et pour n’importe quoi. L’IMEC gère les droits de deux collections photographiques : celle de feu Pierre Duverger, et celle de Lucette Destouches. Dans le premier cas, c’est d’autant plus navrant que notre ami Duverger nous avait accordé, de son vivant, le droit de reproduire toutes les photographies lui appartenant. Aujourd’hui, Mme Geneviève Duverger a cédé à l’IMEC le droit d’exploiter ses clichés. Conséquence : nous nous voyons retiré le droit de reproduire sur le site les seules et uniques photographies en couleurs de Céline. On n’ose imaginer ce que le regretté Pierre Duverger en aurait pensé, lui qui soutenait notre initiative et qui venait à nos réunions annuelles. Exemple : la page d’accueil s’ouvre sur une magnifique photo de Céline prise durant l’été 1960, à Meudon. L’IMEC réclame la somme de 1.250 F pour la reproduction (annuelle) de cette photo !

Les autres photographies appartiennent à la collection Lucette Destouches. Une dizaine d’entre elles sont reproduites sur le site : l’IMEC exige la somme de 8.000 F si l’on veut les y maintenir. Triste constat : c’est au nom de l’ayant droit de Céline que cet argent nous est réclamé. Qu'en aurait dit l'écrivain ? Et il faut, pénible coïncidence, que cette offensive ait lieu l'année du quarantième anniversaire de sa disparition...

Il ne s’agit d’ailleurs pas uniquement de photos de Céline, mais de photos de proches. Ainsi, deux photos de sa fille Colette en 1926 (1.100 F), des parents de l’écrivain (900 F), d’Édith Destouches, la première femme de Céline (550 F), etc. Tous ces prix s’entendent hors TVA. Au total, la facture s’élève à près de 10.000 FF ttc.

Il est clair que le webmestre du site n’est pas en mesure de payer cette somme chaque année car il s’agit, comme on l’a dit, d’une initiative sans aucun but lucratif. Et l’accès même au site est gratuit, c'est-à-dire qu'il ne dispose d'aucune source de revenus, ni publicitaire, ni autre. David Desvérité a donc décidé de retirer ces photos du site, non sans faire connaître aux internautes la nouvelle attaque dont sa réalisation est l’objet.

Tout cela est profondément affligeant. Le fait que les tentatives de dialogue demeurent sans réponse l’est tout autant. Pas d’état d’âme apparemment, de l'autre côté. Fric first, comme l’eût dit Céline. N’était-il vraiment pas possible, en accord avec les détenteurs de ces photographies, de faire une exception pour ce site entièrement consacré à l’écrivain, et dont tout le monde s’accorde à reconnaître la qualité ? Poser la question, c’est, en quelque sorte, y répondre. Sauf si l’on considère, comme le disait Céline, que tout se paie, le bien comme le mal. Et que le bien, c’est beaucoup plus cher, forcément.

 

Marc LAUDELOUT