Les affaires juridiques concernant Altern.org et Levillage ont, semble-t-il, donné des idées à certains. C'est en effet au tour du site consacré à Louis-Ferdinand Céline de devoir limiter ses activités en raison d'une décision du service juridique des bien nommées éditions Gallimard©. Il est étonnant que cette maison, indiscutablement propriétaire des droits d'auteurs de l'uvre de Céline, ait attendu plus d'un an avant de se manifester. J'ai effectivement sous-estimé l'ombre que j'étais susceptible de faire à la prestigieuse collection Blanche, et du manque à gagner que j'allais occasionner en publiant des textes issus d'ouvrages épuisés et introuvables en librairie (je pense à la collection des "Cahiers Céline...©").
J'ai reçu un message du service juridique des éditions Gallimard le jeudi 22 avril
1999, à 18 heures, dont le libellé était le suivant :
" Votre site pose un problème de fond aux Éditions Gallimard et aux ayants
droit Céline.
Merci d'accorder toute votre attention au document attaché ci-joint. "
À ce message était jointe une lettre dont voici la copie intégrale :
Je leur ai envoyé le message suivant, resté sans réponse à ce jour :
" Madame, Monsieur,Le lendemain, le site était purement et simplement supprimé par Infonie et mon accès FTP bloqué. En fin de journée, le service juridique d'Infonie m'envoyait le message suivant :
" Monsieur,Jean-Philippe CARBONEL
Service Juridique
INFONIE "
Évidemment, j'ai renvoyé un message leur précisant que la
situation était on ne peut plus claire, le litige ne portant que sur les textes DE
Céline dont Gallimard détient les droits, et non pas sur l'ensemble du site.
L'intimidation de Gallimard envers Infonie avait pourtant porté ses fruits.
Le lundi 26 avril (soit trois jours après la fermeture du site), Infonie s'engageait à
rétablir mon accès à condition que le site soit expurgé de tout ce qui pouvait
engendrer une action en justice des éditions Gallimard © (textes et photos), mettant en
avant pour justifier leur décision cavalière l'affaire ayant opposé Estelle Halliday et
Altern.org... Cet accès a été rétabli le 27 avril
1999...
Plusieurs questions se posent :
- Le problème soulevé par la liberté d'expression sur Internet tout d'abord. Chaque
maison d'édition peut-elle ainsi contrôler le contenu du Net en claquant des doigts ? Je
peux tout à fait loger le site ailleurs que chez Infonie, et ainsi jouer au chat et à la
souris avec Gallimard. Cette solution semble à la hauteur de leur manière de procéder.
- La rapidité d'exécution d'Infonie : même si les "conditions générales
d'Infonie" contraignent le responsable d'un site à respecter certaines règles
(notamment le droit d'auteur), leur décision a été prise avant qu'ils ne m'en
informent, et ils n'ont, semble-t-il, pas compris que le litige portait sur les textes DE
Céline et non sur le reste.
- Céline pose un réel problème de fond aux éditions Gallimard. La lettre met très
clairement l'accent sur la mise en ligne des pamphlets de Céline, jamais réédités
depuis 1942. Il n'a pourtant jamais été question de les "communiquer au
public". Pourquoi mettre cet argument en avant ? Je m'étonne qu'une bonne partie de
la lettre porte sur cet aspect. De toute façon, Gallimard ne peut empêcher personne de
le faire - matériellement et juridiquement - avec les possibilités offertes par Internet
de contourner la loi française.
- Un tel site cause-t-il du tort à un éditeur qui ne publie pas les correspondances de
Céline mais qui en détient le copyright, un tel site cause-t-il du tort à un éditeur
qui ne réédite pas la collection des Cahiers Céline depuis plus de 10 ans ? À
titre indicatif, les textes intégraux de Céline qui étaient disponibles sur le site
étaient des textes difficiles d'accès à cause de ce manque (Trois des Ballets, Hommage
à Zola, À l'agité du bocal, Qu'on s'explique, etc.).
Le Bulletin célinien étant associé à la
création de ce site, je me bornerai à souligner le comportement surprenant des éditions
Gallimard. Celles-ci auraient tout lieu de se féliciter de la création dun site
destiné à mieux faire connaître un écrivain qui appartient à leur fonds éditorial.
Pourquoi dailleurs ce traitement discriminatoire envers notre site alors quil
en existe bien dautres (consacrés à Aragon, Gide, Prévert...) qui, eux aussi,
reproduisent sans être du tout inquiétés des textes et des photos de ces
auteurs-Gallimard ?
Serait-ce que la réussite du site a suscité ici et là quelques
jalousies peu avouables ? On sait que les initiatives parallèles sont mal considérées
par daucuns qui sestiment seuls habilités à traiter de Céline. Déjà, Le
Bulletin célinien, modeste mensuel au tirage confidentiel, irrite, je le sais,
certains "exégètes" qui voient dun mauvais il les francs-tireurs
non conformistes dans ce qui est considéré comme un domaine réservé.
Laffaire nest pas close. Il est clair que nous navons
nullement lintention de saborder le site-Céline dès la moindre menace.
Dautant quil est tout de même navrant que ce mauvais coup provienne de
milieux qui devraient, au contraire, nous encourager et même faire preuve de
reconnaissance à notre égard. Las ! Au moins, les lecteurs du Bulletin célinien
sont-ils désormais au courant de cette manuvre peu reluisante. Et ils peuvent
désormais juger en toute connaissance de cause. Le cas échéant, ils manifesteront leur
mécontentement, voire leur indignation.
Je les y invite, tant il est vrai que lutter contre la bêtise est un
combat salubre et tellement... célinien.
Malveillance ?
Un élément apparaît comme très étrange dans la
mise en demeure que les éditions Gallimard ont adressée au concepteur du site Céline
sur Internet. Elles y évoquent, en effet, trois titres de Céline (Bagatelles,
LÉcole des cadavres et Les beaux draps) et exigent quil
sabstienne "de toute tentative de communication au public des pamphlets".
Or, notre site-Céline na jamais présenté aucun extrait
de ces trois livres de Céline, hormis les ballets réédités en 1959 et plus récemment
en 1988 par Gallimard et qui ne peuvent donc être visés ici.
Il semblerait que Gallimard ait sciemment été désinformé. On
naurait pas craint, en effet, daffirmer que le site proposait de larges
extraits des pamphlets, ce qui est rigoureusement inexact et constitue une diffamation
patentée.
Tous les moyens sont donc bons pour éliminer un gêneur. Serait-ce
quun autre site-Céline est en projet et quil sagisse en
loccurrence de nuire à une initiative considérée comme concurrente ?
Lavenir nous le dira...
Tout cela manque en tout cas furieusement délégance. Et on
imagine sans peine ce que Céline eût pu rétorquer face à de tels procédés. Affaire
à suivre...