Célinien (Janvier
2007)
En mars dernier, j’ai signalé la réaction d’un célinien me faisant grief d’avoir « renié » ce que j’écrivais en 1994 sur la biographie de Philippe Alméras.
« Renégat moi ?... Renégat qui ?... Renégat quoi ?... Renégat rien !... ». Nul besoin de se frotter à Céline pour être tenté de réagir de la même façon sous l’invective. Je me contentai de rappeler sobrement que, dans ce Bulletin, j’écrivais encore récemment que cette biographie n’est pas « un modèle d’équanimité ». Litote apparemment peu claire pour l’intéressé. Dans le même article, il indiquait que, pour son Dictionnaire Céline, Alméras fit « appel à quatre “céliniens” », dont François Marchetti et moi-même. Le premier cité a obtenu la publication d’un rectificatif, précisant qu’il « n’a pas relu les épreuves » de cet ouvrage et qu’il « a simplement fourni une série de renseignements pour lesquels il a été remercié par l’auteur » ¹. Exact. En ce qui me concerne, j’ai bien accepté de relire à la hâte les épreuves le temps d’un week-end, ce qui ne fait de moi ni un co-auteur, ni même un collaborateur digne de ce nom. Au train où ça va, on finira par me faire grief de ne jamais refuser d’aider un célinien, surtout – circonstance aggravante ! – si sa vision du grand homme n’est pas la mienne. La liberté d’esprit est décidément la chose la moins partagée.
Cela étant, suis-je moi-même un célinien ? Les guillemets encadrant plus haut ce vocable ne vous auront pas échappé. Ni le fait qu’ils sont censés mettre en cause cette qualification me concernant. Mais si je ne suis pas « célinien », ce bulletin ne l’est pas davantage. Mes abonnés auraient-ils été abusés depuis un quart de siècle ? Ce n’est pas l’avis de l’un d’entre vous qui s’est ému de ces guillemets dépréciatifs et qui s’en est enquis auprès de l’auteur. La réplique fut sans appel : comment peut-on mettre sur le même plan des céliniens patentés tels que lui et un plat vulgarisateur tel que l’éditeur du Bulletin ?! Que dire sinon que je n’ai jamais eu la prétention de me comparer aux exégètes céliniens qui ont apporté tant d’éléments décisifs à une meilleure connaissance de l’écrivain. Ainsi, dans une récente interview parue dans La Presse littéraire, ne me suis-je pas moi-même défini comme « simple publiciste » ? Le mot est aujourd’hui abusivement utilisé pour désigner un publicitaire ; je l’utilise naturellement dans sa première acception. Quant au mot « célinien », Henri Thyssens me signalait récemment qu’il le voit utilisé dès 1941 par Robert Denoël. Il doit y avoir d’autres occurrences avant ou durant cette période mais se rapportant toujours, sauf erreur, à l’œuvre. Ainsi, à la même époque, Robert Poulet, mentionne dans une critique le « cynisme célinien ». Aujourd’hui, le dictionnaire Le Robert reprend ce terme dans sa liste des « Noms et adjectifs correspondant aux noms de personnes ». Et c’est ainsi qu’il rayonne parmi d’autres marques déposées, de « apollinarien » à « zoroastrien » en passant par « balzacien », « giralducien » ou « rimbaldien ». Mais depuis quand utilise-t-on ce terme pour désigner l’amateur ou le spécialiste de Céline ? C’est sans doute plus récent. Mon compatriote Marc Hanrez préfère se dire « céliniste ». C’est aussi l’appellation que choisit Philippe Alméras (encore lui !), titrant l’un de ses articles : « Ne tirez pas sur le céliniste ! », fine allusion au film de Truffaut .
Célinien, céliniste, voire célinomane, qualifiez-moi comme vous l’entendez. Mais permettez que ce bulletin garde son appellation d’origine !
M. L.
1. Études céliniennes, n° 2, p. [138]. Un rectificatif complet figure dans
L’Année Céline 2005.
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