Bloc-notes, Septembre 2011
En cette époque
où dérision et sarcasmes triomphent, j’imagine les commentaires acidulés de
certains apprenant que la tombe de Céline fut fleurie le 1er juillet par la
Société des Études céliniennes. Que les persifleurs me pardonnent de ne pas
faire chorus. J’ai apprécié cette initiative qui s’avère, par les temps qui
courent, vraiment anticonformiste. Quelques jours avant la date anniversaire,
François Gibault adressa un courrier aux membres parisiens de la SEC pour leur
donner rendez-vous au cimetière de Meudon. Le BC décida alors de relayer
l’information auprès de ses abonnés disposant d’une adresse électronique.
C’est ainsi qu’une soixantaine de personnes se retrouvèrent autour de la tombe
de Céline pour lui rendre l’hommage refusé par la République au début de cette
année. L’initiative ne fit-elle pas l’unanimité au sein du bureau de la SEC ?
Toujours est-il que celui-ci ne fut représenté que par son président ¹. Sans
doute peut-on comprendre l’absence de certains. D’autant qu’être présent à
Meudon ce 1er juillet, c’était s’exposer au risque de côtoyer des personnes
souhaitant surtout rendre hommage à l’auteur des « pamphlets ». Cela n’a pas
manqué. Certains d’entre eux, davantage familiers du Coran que de Céline, font
partie de cette cohorte admirative d’un seul pan de son œuvre pour les raisons
que l’on devine. Dont un individu qui, sûr de son petit effet, exhibait
ostensiblement un exemplaire de Bagatelles
pour un massacre. Certes on me dira que cette faune avait une allure tout
à fait célinienne tant certains semblaient issus en droite ligne de
Guignol’s band. Au moins faut-il
reconnaître qu’ils se tinrent cois et ne troublèrent en aucune façon la réunion
².
Bien entendu, il importe de respecter la sensibilité de chacun. Ainsi
n’aura-t-on pas été étonné de ne pas rencontrer certains céliniens patentés. On
se souvient de l’embarras de l’un d’entre eux, il y a quelques années, lorsqu’à
l’issue d’une émission télévisée, Bernard Pivot demanda benoîtement aux invités
d’imaginer une question à poser à Céline si, par miracle, il apparaissait devant
eux.
Coïncidence : ceux qu’on peut qualifier de « céliniens historiques » – François
Gibault, Frédéric Vitoux, Philippe Alméras et Henri Godard – ont cette
particularité commune d’avoir écrit une biographie de Céline. La dernière en
date étant celle de Henri Godard. Pour ma part, j’ai apprécié la finesse et la
densité de ce travail même s’il y a inévitablement des réserves à formuler. Le
climat délétère de la IIIe République eût mérité d’être décrit tant il explique
aussi l’éclosion des écrits de combat. En revanche, l’auteur montre bien comment
Céline est venu à l’écriture, lui qui fut élevé dans un milieu où rien ne le
prédisposait à une destinée d’écrivain. Les pages concernant ses années de
formation sont éclairantes à cet égard. Dans notre numéro de juin, nous avons
publié l’appréciation élogieuse de Frédéric Vitoux. Vous lirez dans ces pages
celle, plus critique, de Philippe Alméras, ainsi qu’un panorama de la réception
critique du livre. Le BC renoue ainsi avec le débat qu’il a toujours tenté de
privilégier — le lecteur demeurant finalement seul juge.
Marc LAUDELOUT
1. Rappelons que les membres du conseil d’administration sont : Isabelle
Blondiaux, André Derval, David Fontaine, Henri Godard, Marie Hartmann, Catherine
Rouayrenc, Christine Sautermeister, et Alice Stašková. Cela étant, plusieurs
céliniens, membres ou non de la SEC, étaient présents : David Alliot, Anne
Baudart, Christian Dedet, Michel Déjus, Jérôme Dupuis, Valeria Ferretti,
Matthias Gadret, Philippe Ginisty, Frédéric Monnier, etc.
2. Cf. Louis Egoïne de Large, « Chapeau Meudon et Bagatelles »,
Le Clan des Vénitiens
[http://blanrue.blogspot.com], 10 juillet 2011.
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