Bloc-notes, Juillet-Août 2011

 

Cette année du cinquantenaire aura été fertile. Certes elle n’est pas achevée mais, si elle nous réserve encore des surprises (télévisuelles, surtout), on peut penser que l’essentiel est advenu. Aussi, à l’issue du premier semestre, est-on tenté d’esquisser un premier bilan. Comme on s’en souvient, cette année commença en fanfare avec le brusque retrait de Céline des « Célébrations nationales ». S’ensuivit un copieux dossier de presse et autant d’échos dans les média audio-visuels. Mais ce sont naturellement les parutions éditoriales qui sont à retenir. Pas moins de quinze ouvrages sur Céline ont vu le jour. Tout n’est pas à mettre sur le même plan. On imagine le néophyte déconcerté face à ce déluge de publications. Et se demandant, par conséquent, ce qui est ou non indispensable. Seulement trois ouvrages, à mon avis : le recueil de témoignages, D’un Céline l’autre, rassemblés avec perspicacité par David Alliot (Laffont) ; l’imposante Bibliographie des articles & des études en langue française consacrés à L.-F. Céline, 1914-1961 due à Jean-Pierre Dauphin (Du Lérot) ; et la somme de Henri Godard sobrement intitulée Céline, belle illustration de cette sentence malrucienne selon laquelle « la biographie d’un artiste, c’est sa biographie d’artiste » (Gallimard).

   À cela s’ajoutent des ouvrages de moindre envergure, comme le Céline même pas mort !,  sympathique et sensible plaidoyer de Christophe Malavoy (Balland). Ce comédien de grand talent a accompli un rigoureux travail documentaire avant de rédiger cette fiction qui n’est pas exempte d’inévitables erreurs ou approximations ¹.

   Une autre caractéristique aura été la sortie de deux copieux hors-série (Le Figaro et Télérama) et de trois dossiers (Magazine littéraire, Transfuge et La Revue des deux mondes). Singulier contraste avec l’année du centenaire de la naissance (1994) qui ne vit pas une presse aussi encline à célébrer l’événement. Même observation pour la presse radiophonique et télévisée : France-Culture (19 février) consacra toute une journée,  émaillée de plusieurs émissions, à l’auteur de Nord  et  la chaîne France 5 (3 mars) diffusa une émission spéciale (« La Grande librairie »), puis, tout récemment, un documentaire (23 juin) ¹.  Quelques jours plus tard, le 30 juin, c’est la chaîne Histoire qui mit sur pied une soirée Céline ³. Nous y reviendrons.

   Cette année vit aussi l’organisation de deux colloques. Le premier eut comme singularité d’accueillir deux anti-céliniens déclarés. Est-ce parce qu’ils militèrent jadis pour une politique totalitaire (inspirée par le communisme chinois) qu’ils condamnent aujourd’hui avec autant de constance les dérives céliniennes ? C’est également au cours de ce colloque que Céline fut présenté comme un partisan du génocide. On déplore qu’une telle allégation ait été proférée sous les auspices de la SEC .

   Un autre événement fut cette vente de prestige à Drouot dont vous lirez le compte rendu dans ce numéro. Une collection complète du BC y fut enlevée pour la coquette somme de 7.000 € alors que la mise à prix était de 900 €. L’adjudication fut, paraît-il, saluée par une salve d’applaudissements. ...De quoi rougir de confusion !

 

Marc LAUDELOUT

  

 

1. Ainsi est-il inexact d’affirmer qu’à la mort de Céline et d’Hemingway, « les journaux ne parlèrent que de l’écrivain américain » (p. 15). Comme en atteste la bibliographie de J.-P. Dauphin, le dossier nécrologique fut, au contraire, surabondant. Il est tout aussi inexact d’affirmer que André Rousseaux fut « le tout premier » à consacrer un article « élogieux » à Voyage au bout de la nuit (p. 291) : ses articles parus dans Candide (8 décembre 1932) et dans Le Figaro (10 décembre) furent, au contraire, très réservés — et précédés de ceux signés Eugène Dabit, Lucien Descaves, Ramon Fernandez, Charles Plisnier, Noël Sabord, etc.   Concédons que ce sont là des vétilles.

2. « Voyage au bout de Céline » de Jean-Baptiste Pérétié, documentaire inégal et somme toute décevant dans la mesure où les trois quarts du film sont consacrés à l’idéologie alors qu’on eût pu espérer une ample célébration de l’écrivain.

3. Avec notamment la rediffusion des documentaires de Michel Polac (1969) et Claude-Jean Philippe (1976).