Bloc-notes, avril 2011
Les
céliniens néophytes confondent parfois bibliographie
de et
sur Céline. C’est-à-dire bibliographies primaire et secondaire. Le pavé
que Jean-Pierre Dauphin et Pascal Fouché publièrent en 1985 ressortit de la
première catégorie : il référençait tous les écrits (publiés ou attestés) de
Céline (1). Ce travail était le fruit d’une thèse, « Chronologie bibliographique
et critique de Louis-Ferdinand Céline » (1973), qui réunissait pour la première
fois de manière systématique textes épars, petits écrits et
marginalia de l’écrivain. Le livre fut
rapidement épuisé. Depuis 2007, il est consultable sur le site internet
www.biblioceline.fr. Huit
ans auparavant, J.-P. Dauphin avait publié le premier tome (1914-1944) d’une
bibliographie des articles en langue française consacrées à Céline (2). Le
second (1945-1961) n’est jamais paru. Aujourd’hui paraît un fort volume
regroupant ces deux volets dans une édition revue et augmentée. Ce nouvel
ouvrage de référence procuré par les éditions du Lérot marque aussi le retour de
Jean-Pierre Dauphin sur la scène célinienne (3).
Cette bibliographie constitue l’aboutissement d’années de dépouillement de la
presse périodique entamé dès 1964 par ce pionnier de la recherche célinienne.
Les livres consacrés en tout ou partie à Céline étant très peu nombreux de son
vivant (4), cet ouvrage recense essentiellement les articles de presse,
consistants ou superficiels, parus dans la presse francophone. Travail
titanesque, on s’en doute. D’autant que ne se bornant pas à donner les
références des articles, l’auteur en résume la teneur en une ou deux phrases,
parfois davantage. Cette bibliographie, présentée de manière chronologique,
permet de mesurer l’évolution de la réception critique de l’œuvre, avec ces
hauts (Voyage au bout de la nuit) et
ces bas (Féerie pour une autre fois).
Évoquant ailleurs cette matière, l’auteur relevait que ces années de critique
célinienne « offrent un tableau très sûr des
limites, des aberrations et de la misère d’une époque (5) ». D’autant que
rares furent les aristarques à la hauteur de cette œuvre en constante évolution.
L’accueil critique des trois chefs-d’œuvre que sont
Mort à crédit,
Guignol’s band et
Féerie en atteste à l’envi. Surnagent
malgré tout, dans la période considérée, quelques noms qui, à des titres divers,
ont su rendre compte de l’esthétique célinienne : Léon Daudet, Claude Jamet,
Morvan Lebesque, Roger Nimier, Jean-Louis Bory, Pol Vandromme, pour ne citer que
ceux-là. Il faudra attendre la fin du XXe siècle pour que l’œuvre soit enfin
perçue dans sa globalité et sa radicalité. Quant aux pamphlets, ils ont souvent
donné une image réductrice de l’écrivain : le fait que durant sept ans Céline
n’ait pas signé de roman n’a pas peu contribué à brouiller son image. Encore
faut-il observer qu’il ne cesse d’être pamphlétaire dans ses œuvres de fiction
d’après-guerre.
Marc LAUDELOUT
1. Ouvrage salué avec éclat dans le BC : M.
L., « Un monument célinien ! », n° 38, octobre 1985. Voir aussi l’article de
Christine Ferrand, « Voyage au bout des écrits de Céline », paru le 30 septembre
1985 dans Livres Hebdo et repris dans
le BC, n° 39, novembre 1985.
2. Jean-Pierre Dauphin, L.-F. Céline 1. Essai
de bibliographie des études en langue française consacrées à Louis-Ferdinand
Céline, vol. 1 : 1914-1944,
Lettres modernes-Minard, Paris 1977.
3. Jean-Pierre Dauphin, Bibliographie des
articles de presse & des études en langue française consacrés à L.-F. Céline,
1914-1961, Du Lérot, 2011, 470 p.
4. Dont les livres de Robert Denoël, Apologie
de Mort à crédit (1936), H.-E. Kaminski,
Céline en chemise brune ou le mal du présent
(1938), Maurice Vanino, L’affaire Céline.
L’école d’un cadavre (1950), Milton Hindus,
L.-F. Céline tel que je l’ai vu (1951)
et Robert Poulet, Entretiens familiers avec
Louis-Ferdinand Céline (1958).
5. Jean-Pierre Dauphin, « De méprises en confusions », introduction de
Les critiques de notre temps et Céline,
Garnier, 1976.
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