Bloc-notes, Mars 2009

 

À la fin de sa récente biographie ¹, Simone Veil, ancienne ministre, député, présidente du Parlement européen et membre du Conseil constitutionnel, nous livre cette confidence : « Il y a peu, je déjeunais avec l’un de mes petits-fils, âgé de seize ans. Notre échange fut un vrai moment de plaisir. Nous nous sommes ensuite rendus dans une librairie où il a pu choisir les livres dont il avait envie. Il a acheté Voyage au bout de la nuit, et je lui ai dit : Tu as bien de la chance de le lire pour la première fois, parce que c’est un grand bonheur.   Au fond  de moi, j’étais heureuse que le fil culturel ne se brise pas entre les générations, et que mon petit-fils puisse à son tour découvrir ce roman que j’avais dévoré il y a près de quarante ans. Il a aussi tenu à prendre Belle du Seigneur, parce qu’un de ses professeurs lui en avait recommandé la lecture. Je me suis dispensée de tout commentaire ; tandis qu’il prenait le livre, l’image de mon père ne posant comme critère aux lectures de ses enfants que leur qualité littéraire m’est revenue à la mémoire. Le livre est un monde. À mon petit-fils de se forger un jugement sur les œuvres qu’il lit comme sur leurs auteurs ». Compte tenu des années d’adolescence dramatiques qui furent les siennes, ce propos est tout simplement incroyable. Il l’est d’ailleurs. Non pas que j’aie inventé cette anecdote : j’ai seulement interverti les titres des deux romans.  Procédé  d’un goût douteux, diront certains. Ce qui peut aussi être considéré comme tel,  c’est un dessin de Pierre Wiazemsky, mieux connu sous le nom de Wiaz, qui illustre une confidence du Président de la République française révélant que ses livres fétiches sont précisément Voyage au bout de la nuit et Belle du Seigneur.  Ce dessin de Wiaz nous montre Sarkozy brandissant ces deux romans et affirmant : « Avec ça, je suis couvert des deux côtés ! ».

 

   À propos du livre sur Céline et Karl Epting, nous avons reçu cette lettre d’un abonné suisse : « Mes vives félicitations pour cet ouvrage passionnant. Textes, lettres bien présentés. Traductions agréables. Notes utiles en bas de page. C’est une excellente idée de présenter un recueil de lettres de Céline à une seule personne et d’insérer textes, photos, articles s’y rapportant ». Si je me permets de citer cette lettre, c’est moins pour décerner, de manière indirecte, des compliments à l’auteur, Frank-Rutger Hausmann, que pour établir un contraste avec le compte rendu qu’en fait la revue Études céliniennes dans sa dernière livraison. Certes la critique est libre et il convient de l’accepter de manière sereine. Mais lorsqu’elle est délibérément négative, on est en droit de se poser des questions. D’autant que l’auteur de cette recension évoque « les articles que [Karl Epting] écrivit en faveur de Céline dans Les Cahiers de l’Institut allemand » dont il trouve, par ailleurs, la « traduction lourde et molle ».  Or, il se trouve que Karl Epting n’écrivit qu’un seul article sur Céline dans cette revue et la traduction que nous en donnons est celle d’Epting lui-même, telle qu’elle parut deux ans plus tard dans La Chronique de Paris.  Rien n’est dit, en revanche, des articles parus dans Christ und Welt qui sont traduits et réunis ici pour la première fois.  Gageons qu’à notre place,  le luthérien résolu  que fut  Karl Epting eût pardonné ce manque de confraternité célinienne.

 

Marc LAUDELOUT

 

1. Simone Veil, Une vie, Stock, 2007, 400 p.

2. Études céliniennes, n° 4, hiver 2008, pp. 111-112.