Bloc-notes, Janvier 2006

 

Nouveau record pour Céline : on s'est arraché les 14 feuillets in-folio du manuscrit d'À l'agité du bocal, le célèbre libelle contre la « bourrique à lunettes ». Son nouveau propriétaire l'aura finalement acheté 104.400 euros lors d'une vente aux enchères à l'hôtel Drouot à Paris, le 2 décembre. Soit, avec les frais, plus de 7.000 euros le feuillet.
François Gibault m'apprend que le réalisateur Dupeyron renonce à adapter Voyage au bout de la nuit au cinéma. L'écrivain et réalisateur Yann Moix est sur les rangs pour relever le défi. En fait, il avait déjà présenté un projet mais Dupeyron disposait alors d'une option exclusive qui vient donc de tomber. À suivre...
 
Jean-Pierre Martin, Michel Bounan et autres Rossel-Kirschen luxés au poteau ! Dans la catégorie « anticélinisme viscéral », ils viennent de se faire supplanter par un maboul qui est aussi psychiatre de profession ¹. C'est en Guyane qu'il est parvenu à faire éditer son pensum dans lequel il entend démontrer que, non seulement Céline n'est pas le grand écrivain que l'on dit, mais surtout qu'il a fait l'objet d'un procès tronqué. En conséquence, il demande la requalification en « crime contre l'humanité ». Il fallait y penser. 
La détestation de Céline, mais aussi de tous ceux qui l'ont apprécié ou admiré, suinte à chaque page de ce triste factum, truffé de coquilles et d'erreurs, qui excède copieusement le droit de citation. L'auteur – un certain André-Alexandre Bonneton – n'hésite pas à dresser sur plus de deux pages une liste de proscription. On découvre avec stupéfaction que l'aimable Serge Perrault en fait partie : il y est qualifié de «faussaire travaillant à la préfecture de police». Plus loin, la diffamation cède le pas à l’ignominie lorsque Bonneton le qualifie de «félon dont il serait intéressant qu’un spécialiste ou un jeune chercheur se penche sur l’emploi du temps, la responsabilité, le comportement lors de la rafle du Vel d’Hiv’ et au moment de la Libération de Paris». Délation grotesque, faut-il le souligner ? Âgé de vingt ans en 1940, Perrault avait alors la danse pour unique horizon et était très éloigné de la politique, ce en quoi il n’a pas varié d’ailleurs.
Ces basses insinuations disqualifient à jamais leur auteur. D'une ignorance crasse quant à la biographie célinienne, l'auteur ignore en outre que ce n'est pas Serge Perrault mais son frère, employé à  la  Préfecture de Police,  qui  procura deux cartes d'identité aux Destouches. À lire Bonneton, on comprend en tout cas que, lui, n'aurait en aucun cas aidé Céline à quitter la France en juin 1944 et, mieux, l'aurait volontiers dénoncé afin de le voir fusillé par les tribunaux de l'épuration.
C'est précisément à Serge Perrault qu'est consacrée la couverture de ce premier numéro de l'année. Il a bien voulu nous accorder un entretien dans lequel il dit l'attachement qu'il porte à Céline. Comme l'écrit François Gibault, il sait nous restituer «le vrai visage de l’homme qui se cachait derrière le géant dont on ne retient habituellement que la puissance, la violence et les excès, et dont on oublie le sens poétique et l’humanité». Voilà bien une appréciation que ne comprendront sans doute jamais les bonnetons, bonneteurs et bonimenteurs présents et à venir.

M. L.

 

1. André-Alexandre Bonneton, As-tu lu Céline ?, [Matoury], Ibis rouge Éditions, 2006.