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au bout de la nuit

Voyage au bout de la nuit

 

 

    " Quoique le Voyage au bout de la nuit de M. Louis-Ferdinand Céline n'ait pas eu le prix Goncourt - que tout le monde lui attribuait à l'avance - il passionne l'opinion littéraire plus qu'aucun livre n'avait fait depuis longtemps. On prend violemment parti pour ou contre lui. Pour les uns, ce livre est une ordure ; pour les autres, une œuvre de génie. "

André Rousseaux, Le cas Céline. Figaro, 10 décembre 1932.

 

    " Quand vous lisez le Voyage au bout de la nuit, dès les trente premières pages, vous savez que vous êtes en présence d'un homme. Le choc est plus que rare, inoubliable. Oh ! je sais bien, parbleu, tout ce qu'on pourra dire. C'est surtout dans ses tares, ses faiblesses, son incurable maladie de vivre qu'il nous est révélé. Qu'importe !... Mais je me trompe. Il importe beaucoup que cet homme soit malade et sa maladie est la nôtre à des degrés divers.
    Que l'auteur l'ait voulu ou non - et je ne crois pas qu'il l'ait voulu - son livre est le roman de l'homme malade de civilisation, chargé jusqu'à crever des iniquités sociales, le roman de tous les pauvres types que la guerre a broyés et, après l'armistice, l'après-guerre avec ses vomissures, son chaos, sa famine, son désespoir. Le témoignage de Céline est d'autant plus important qu'il n'a rien voulu prouver de tout ça. Il souffrait, il avait parcouru sous un ciel noir des kilomètres de douleur, il nous crache son mal en pleine figure. "

René Trintzius, L.-F. Céline - Voyage au bout de la nuit. Europe, 15 décembre 1932.

 

    " Voici un livre étonnant, appartenant beaucoup plus, par sa facture, sa liberté, sa hardiesse truculente, au XVI° siècle qu'au XX°, que d'aucuns trouveront révoltant, insoutenable, atroce, qui en enthousiasmera d'autres et qui, sous le débraillé apparent du style, cache une connaissance approfondie de la langue française, dans sa branche mâle et débridée. "

Léon Daudet, L.-F. Céline : Voyage au bout de la nuit. Candide, 22 décembre 1932.

 

    " [...] Car ce Voyage au bout de la nuit n'est pas gai, il s'en faut bien, il est même assez sinistre, ce que nous lui pardonnerions encore s'il n'était de surcroît si long. On se lasse de tout, et même les passionnés, s'il en est, de scatologie, doivent au bout de ces six cents pages bien garnies éprouver des symptômes d'indigestion. "

Paul Bourniquel, Rabelais hypocondre. La Dépêche (Toulouse), 27 décembre 1932.

 

    " Le roman déjà célèbre de Céline peut être considéré comme la description des rapports qu'un homme entretient avec sa propre mort, en quelque sorte présente dans chaque image de la misère humaine qui apparaît au cours du récit. "

Georges Bataille, L.-F. Céline : Voyage au bout de la nuit. La critique sociale, janvier 1933.

 

    " [...] Le livre n'est pas à recommander aux délicats ; tout les choquera dans Voyage au bout de la nuit : le ton populacier, la satire grimaçante, le style chargé de termes crus ou obscènes, mais c'est le sort des œuvres outrancières : Rabelais, Mirbeau ou Léon Bloy, que de heurter les délicats. "

Pierre Audiat, L'actualité littéraire. La Revue de France, 15 janvier 1933.

 

    " Très intéressant, mais de parti pris. Et artificiel. Si Céline avait pensé vraiment ce qu'il a écrit, il se serait suicidé."

Jean Giono, rapporté par un journaliste, Le Petit Marseillais, janvier 1933.

 

    " Le livre français qui compta le plus pour nous cette année, ce fut Voyage au bout de la nuit de Céline. Nous en savions par cœur des tas de passages. Son anarchisme nous semblait proche du nôtre. Il s'attaquait à la guerre, au colonialisme, à la médiocrité, aux lieux communs, à la société, dans un style, sur un ton, qui nous enchantaient. Céline avait forgé un instrument nouveau : une écriture aussi vivante que la parole. Quelle détente, après les phrases marmoréennes de Gide, d'Alain, de Valéry ! Sartre en prit de la graine."

Simone de Beauvoir, La force des choses. Paris : Gallimard, 1960.

 

    "Le premier livre d'importance où pour la première fois le style oral marche à fond de train (et avec un peu de goncourtise). [...] Ici, enfin, on a le français parlé moderne ; tel qu'il est, tel qu'il existe. Ce n'est pas seulement une question de vocabulaire, mais aussi de syntaxe."

Raymond Queneau, "Ecrit en 1937", Bâtons, chiffres et lettres. Paris : Gallimard, 1950.

 

    " Il faut relire Céline en le voyant. Céline a dit la vérité du siècle : ce qui est là est là, irréfutable, débile, monstrueux, rarement dansant et vivable."

Philippe Sollers, Voyage au bout de la nuit, édition illustrée par Tardi. Paris : Futuropolis, 1988.