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" Il y a (ou s'il n'y a pas encore, il y aura
demain) une affaire Céline (Louis-Ferdinand). On est pour ou contre Mort à crédit
comme on était, il y a quelques années, pour ou contre le Voyage au bout de la nuit.
On est violemment pour et on est violemment contre. Pas de milieu. Louis-Ferdinand Céline
ne fait pas les choses à demi : il vous empoigne ou il vous dégoûte. On ne se bat pas
encore pour lui (je veux dire pour son uvre), mais qu'on se rassure : on se battra
bientôt. "
" Les pages les plus audacieuses de Mort à crédit
sont d'un artiste et d'un artiste sincère. Certes, je m'attends aux réactions violentes
du public (ou d'une certaine partie du public) : chaque fois que l'on touche au domaine de
l'affectif, au problème sexuel, on observe des réactions brutales. Ce fut le cas de L'Assommoir,
de Baudelaire et, ne l'oublions pas, de Marcel Proust. Mais qu'y faire ? La postérité se
charge de mettre les choses et les valeurs en place. Avec Louis-Ferdinand Céline, j'ai
confiance..."
Pierre Langers, Quand Céline s'exaspère... M. Denoël nous dit..., Toute l'édition, 23 mai 1936.
" Sept cents pages bien tassées qui vous
tombent sur la tête pesamment, lentement, inexorablement ; sept cents pages de réalité
saisie aux portes du cauchemar et dont vous sortez titubant et nauséeux. De divers
côtés, on a demandé au roman, en s'appuyant sur de bonnes raisons, de revenir à
l'humble réalité ! On dirait que M. Céline, avec une humeur féroce, s'est dit :
Attendez un peu, mes bons amis, je vais vous y mettre le nez, dans les humbles réalités,
et vous m'en direz des nouvelles ! Mises à part certaines inventions d'un bizarre poète,
qui ne dédaigne pas l'épisode carnavalesque et grand-guignolesque, M. Céline est le
Marat de cette forme de roman qui, fouillant avec une hallucination presque sadique les
réalités de la grise existence quotidienne, y découvre un océan de stupres et
d'abominations. "
" Le Voyage est plutôt l'épopée de la hargne, Mort
à crédit est plutôt l'épopée dégueulasse de la nausée et du dégoût. "
Gabriel Brunet, Le cas Céline, Je suis partout, 6 juin 1936.
" C'est un livre terrible. En vérité, il
n'y a pas de place en lui pour le critique. Il n'y a place pour rien. Je ne vois pas la
possibilité de demi-mesures, ni de ces réserves que les uns opposent à sa forme, les
autres à son "fond" - d'autres enfin à un désaccord entre forme et esprit, ce
dernier donnant la preuve qu'il peut s'exprimer autrement, avec une juste syntaxe, etc. Mort
à crédit est un bloc, une énorme masse de présence, sans aucune fissure pour nos
plus inconscientes finesses "intellectuelles", Dieu merci, c'est ce qui repousse
d'abord ceux dont l'esprit vit plus de ruses et d'expédients que d'une possession corps
à cur de la vie. "
" A côté de Mort à crédit, le Voyage au bout
de la nuit est une pâle promenade. [...] Pendant 700 pages, la misère de l'homme
crie, suinte, déborde, rumine, stagne, jure, halète... Le langage - ce langage de
Céline, grossier, scandaleux, monotone, pléthorique, magnifique par éclairs, devient
pareil à un géant abominablement isolé, englué dans une bourbe sans espace ni temps,
sans passé ni devenir. "
" Jamais le langage parlé, l'improvisation de l'organe vocal
n'a été réalisé comme par Céline. Quel débit, quelle incontinence ! "
Yanette Délétang-Tardif, Mort à crédit par L.-F. Céline, Les cahiers du sud, juillet 1936.
" Le livre est d'une obscénité déjà
célèbre, qui ne me paraît point gênante parce qu'elle est esthétique. Et c'est
justement là-dessus que doit s'engager le débat. "
" M. Céline a écrit à la dernière [sic !... pour
la seconde page] page de son livre : " J'aime mieux raconter des histoires.
J'en raconterai de telles qu'ils reviendront après pour me tuer des quatre coins du
monde". M. Céline se vante. On n'a jamais eu envie de tuer que les hommes qui disent
la vérité. Et M. Céline est comme tant d'autres : il fait semblant de dire la vérité.
Mais il ment. Les gens bien achèteront ses livres. On ne le tuera pas. "
Paul Nizan, Pour le cinquantenaire du Symbolisme - Mort à crédit par L.F. Céline, L'Humanité, 15 juillet 1936.
" Ce livre [Mort à crédit]
furieux, qui gronde, cataracte, frappe comme un bélier, on n'a jamais fini d'en faire le
tour, de le mesurer. C'est une uvre satanique, s'il est vrai que l'enfer n'est que
la privation de l'espoir. C'est un grand "Non !" vociféré à toutes les
questions que pose la vie. "
" Céline, vous pourrez bien désormais dire et faire tout ce
que vous voudrez. Vous avez donné une voix au désespoir humain. Une voix qui ne se taira
plus. "
Pierre Scize, Ceux qui n'aiment pas Céline, Le merle blanc, 19 septembre 1936.
" Mort à crédit est pour moi le bouquin le plus important de ce siècle. Parce qu'il contient toute la détresse de l'homme. A côté du cri de Céline, moi, je pousse des plaintes de chiot qui a envie de pisser. Lui, il l'a balancée sa clameur ! Elle est intacte, satellisée au-dessus de nous. On ne peut rien y toucher. C'est toute la misère de la vie, toute l'angoisse, toute la mort. C'est plein d'amour, c'est plein de pitié, c'est plein de colère, c'est plein d'éclairs, de mains tendues, de poings brandis, de mains tendues qui se transforment en poings. Et puis de désespoir. Parce que le désespoir, c'est la vie. Lui l'a su."
Frédéric Dard, Je le jure. Paris : Stock, 1975.