Sur Féerie pour
une autre fois

Féerie pour une autre fois

 

    " Il [Céline] nous décrit d'abord la haine qui l'entourait, dans son quartier, à la veille de la libération. Ensuite, il est au Danemark, dans une prison, malade, menacé d'extradition. Cette fois-ci, c'est l'univers entier qui lui en veut personnellement. On l'accuse de tous les crimes de la collaboration. Il se sent le bouc émissaire d'un grand nombre de gens, mais le bouc n'est pas un animal commode. Alors, il regimbe. Ce n'est plus le moment de s'humilier, comme s'humiliait Bardamu. Les circonstances y suffisent bien. Il faut se magnifier, d'abord pour supporter une existence presque intolérable : ensuite, pour se venger et rétablir l'équilibre.
    Les autres ont enfermé Céline ? Ils ont détruit ses manuscrits, on lui a retiré sa médaille militaire ? Eh bien ! il déborde d'une colère qui l'exalte et qui les noiera tous dans son flot. Ceux auxquels il en veut ne sont évidemment pas les victimes des Allemands, mais tous ceux qui se sont faits justiciers, par besoin de voir couler le sang ou pour assurer le repos de leur conscience. L'espèce n'est pas rare. Il faut avouer qu'on a vu très peu de martyrs parmi les épurateurs.
    [...] Dans une prison, la monotonie est invincible. Cette monotonie pèse souvent sur le livre. La féerie n'est pas certaine à chaque page. Quand elle éclate, elle est très vive, qu'elle soit macabre ou terrible. "

Roger Nimier, "Le Maréchal des logis Céline", Carrefour, 6 août 1952.

 

    " Un Céline qui part en morceaux comme un personnage de Samuel Beckett. [...] On retrouve à coup sûr un grand romancier."

Roger Grenier, France-Dimanche, 27 juillet 1952.

 

    " Que pourrais-je dire de ce vrombissement de vocabulaire, ce torrent d'idées et d'images qui n'est pas plus justiciable de la critique qu'une force explosive de la nature ? [...] Il faut "subir" Céline ou le passer par-dessus bord. [C'est un ] terrifiant témoignage sur les sévices qui peuvent être infligés à des ouvriers intellectuels en plein XXe siècle. "

Théophile Briant, Le Goéland, juillet-août 1952.

   

    " Il n'y a pas grand-chose à dire de Féerie. C'est du Céline à la dérive, du Céline qui a perdu contenance. L'effet est assez pénible. [...] Tels sont, dans l'épreuve, les inconvénients du débraillé : il influe sur la discipline mentale. Reportons-nous plutôt à Voyage au bout de la nuit. "

Robert Poulet, La Table Ronde, septembre 1952.